Quel est le meilleur pilote de l’histoire de la F1?

J’avais déjà essayé l’exercice avec le vélo et ce n’était pas facile, mais la difficulté ne me rebute pas. Alors je vais recommencer avec la Formule 1, discipline reine du sport automobile,  et essayer de voir quels sont les plus grands champions depuis que le championnat du monde de F1 existe, c’est-à-dire depuis 1950. J’ai utilisé pour cela un peu la même méthode que pour le cyclisme, à savoir m’appuyer en priorité sur les palmarès, corrigés toutefois par quelques ratios sans doute beaucoup plus pertinents.

Pourquoi ne pas se contenter des palmarès ? Tout d’abord, à la différence du vélo, les épreuves d’aujourd’hui sont très différentes decelles de la décennie 1950. Il est clair que le nombre de grands prix disputés, par exemple, est beaucoup plus important dans les années 2000 qu’il ne l’était dans les années 50 ou 60. De plus les circuits sont eux aussi très différents.

 On ne peut pas comparer le Nurburgring ou Spa Francorchamps tels qu’ils étaient il y a 30 ans avec les circuits sur lesquels se déroulent à présent les grands prix, quand ils ont lieu. En fait, il n’y a guère que Monaco qui n’ait pas beaucoup évolué et pour cause, le circuit est en ville. Peut-être d’ailleurs est-ce une des raisons pour lesquelles ce grand prix est considéré comme celui qu’il faut absolument gagner dans la saison, même s’il vaut 25 points au vainqueur, comme tous les autres.

Il a donc fallu déterminer les paramètres les plus indiscutables,  et ne pas se contenter des courses gagnées ou des titres de champions du monde remportés, auquel cas le grand vainqueur serait Michael Schumacher. Ce dernier en effet possède tous les records de la discipline ou presque. En fait, il n’y en a qu’un qui lui échappe, le nombre de grands prix disputés, qui est évidemment le moins important pour déterminer un classement objectif.

 Qui oserait prétendre que Barrichello, avec ses 304 grands prix disputés, est du calibre de Schumacher (268) qui le suit dans la hiérarchie du nombre de grands prix ?  Personne bien sûr, et si quelqu’un en doutait il suffirait qu’il regarde les statistiques de Schumacher et Barrichello à l’époque où ils étaient équipiers chez Ferrari, même si l’Allemand était premier pilote. Manifestement les deux hommes ne tirent pas dans la même catégorie. L’Allemand est un pur crack, alors que le Brésilien est un très bon pilote.

Alors quels sont les résultats de ces cogitations, sachant que j’ai pris pour critères majeurs les ratios victoires/sur grands prix disputés et pole positions/sur grands prix disputés. Cela donne une idée assez exacte de la réalité. Certes cela favorise  les pilotes des années 50 ou 60 qui ne disputaient que quelques  grands prix chaque année (7 ou 8 dans les années 50,  10 à 12 dans les années 60) contre 18-20 maintenant. En revanche, avec 18 ou 20 grands prix dans une saison, un pilote disposant de la meilleure machine et clairement désigné comme pilote numéro un peut très bien en remporter 11 ou 13, ce qui a été le cas de Michael Schumacher en 2002 et 2004.

Il est donc normal que le premier de ce classement soit celui qui a longtemps été le symbole de la F1, Juan-Manuel Fangio, 5 fois champion du monde entre 1951 et 1957. Celui-ci avec 24 victoires pour 51 grands prix disputés (47,1%) est aussi en tête en ce qui concerne les pole positions, 29 pour 51 grands prix ce qui fait un ratio extraordinaire de 56,8%. Il devance Alberto Ascari, champion du monde en 1952 et 1953 avec un ratio de victoires de 40,6% (13 victoires pour  32 grands prix) et de 43,8% pour les pole positions. Ensuite à la 3è place vient Jim Clark avec un ratio de victoires de 34,7% (72 grands prix) et de 45,8% pour la pole position ce qui le place en deuxième position sur ce plan

Michael Schumacher arrive en 4è position avec un ratio de victoires de 33.9% et 25.3% pour les pole positions, mais s’il n’avait pas repris la compétition il serait à la troisième place car ses ratios avant sa première retraite étaient respectivement de 36.5% pour les victoires et de 27,3% pour les pole positions. Ce retour à la compétition chez Mercedes ne lui aura d’ailleurs pas été du tout favorable, car il a dû affronter un adversaire très rapide en la personne de Nico Rosberg, qui l’a dominé tout au long de la saison 2010…ce qui a terni l’image de Schumacher ou, comme certains diront, l’a remis à sa vraie place dans la hiérarchie des grands pilotes de l’histoire.

En 5è position nous trouvons Jacky Stewart, avec un ratio de victoires de 27,2% (99 grands prix) et 17,2% pour les pole positions. Après nous retrouvons les inséparables Prost et Senna qui ont un ratio de victoires très proche, respectivement 25,6% et 25,5%, mais Senna a un coefficient de pole position nettement supérieur avec 40,3% contre 16,5% à Prost.

En 8è position apparaît un pilote, Stirling Moss, qui a pour particularité d’avoir été un des plus grands, mais qui n’a jamais été champion du monde en raison d’une part d’une certaine malchance, mais aussi des changements de règlement, et enfin d’un excès de fair-play comme en 1958, où il intervint pour sauver son rival pour le titre (Hawthorn) d’une disqualification certaine au grand prix du Portugal. Sans cette intervention, Moss aurait été au moins une fois champion du monde. D’ailleurs  son ratio de victoires et de pole position de 24,2% lui permet de soutenir la comparaison avec les meilleurs.

A la 9è place nous trouvons enfin un pilote de la fin de la décennie 2000. Il s’agit de Lewis Hamilton, champion du monde en 2008 après avoir frôlé le titre en 2007 pour sa première année de F1. Le pilote Mac Laren a des ratios tout à fait respectables, puisque son pourcentage de victoires est de 19.7% par rapport aux grands prix disputés et de 25.3% pour les pole positions. C’est sans aucun doute un des pilotes les plus doués du circuit, comme en témoigne le fait qu’il ait devancé son équipier chez Mac Laren, Alonso le double champion du monde, l’année de ses débuts, avant de s’imposer en 2010 à un autre équipier champion du monde, Jenson Button.

A la dixième place, la surprise vient d’un pilote extrêmement méconnu, Damon Hill, fils de Graham qui a été le seul pilote vainqueur à Indianapolis, aux 24 Heures du Mans et champion du monde de F1 (2 fois). A noter que Damon Hill, autre particularité, a eu pour équipiers deux des monstres sacrés de la discipline, Prost et Senna. Le ratio de victoires de Damon Hill est de 19,1% et celui des pole positions de 17,4%. Enfin, il faut atteindre la 12é position pour trouver trace de Fernando Alonso (champion du monde des années 2005 et 2006) avec respectivement 16.4% pour son ratio de victoires et 12.6% pour celui des pole positions, celui-ci se situant juste derrière Mansell (16.5% pour les victoires et 17.1% pour les pole positions. Quant au champion du monde en titre, Sebastian Vettel, ses ratios sont respectivement de 16,1% pour les victoires, et de 12.6% pour les pole positions, ce qui est excellent compte tenu du fait qu’il ne dispose d’une machine pour gagner que depuis l’année 2009. En tout cas ces statistiques lui valent de devancer des pilotes comme Farina, Lauda, Hakkinen, Raikkonen, Piquet et Brabham.

Et cela m’amène à dire qu’en F1 c’est quand même la voiture qui fait la différence, même si le pilote a largement sa part dans la performance de celle-ci. Pour pouvoir comparer deux pilotes entre eux, il n’y a qu’un moyen : disposer à égalité de la même machine. Ce fut le cas pour Fangio et Moss chez Mercedes en 1955, puis pour Clark et Graham Hill en 1967-68 chez  Lotus, pour Prost et Lauda en 1984-1985 chez Mac Laren, puis Prost et Senna  chez Mac Laren aussi  en 1988-1989, ou encore pour Alonso et Hamilton chez Mac Laren en 2007, pour ne citer que les plus fameux tandems. Dans tous les cas, il y en a fatalement un qui finit par prendre le dessus (Fangio, Clark, Prost et Senna, Hamilton), même si dans la confrontation entre Prost et Senna ce fut très serré, le Brésilien l’emportant en qualification, mais en course l’écart était extrêmement réduit, sauf sous la pluie. Ce le fut tout autant entre Alonso et Hamilton.

Alors quel a été le meilleur pilote ? Difficile à dire, car si les ratios* disent Fangio, si les statistiques disent Schumacher, si les confrontations entre équipiers champions du monde diraient aussi Clark, Stewart ou Senna, nul ne peut dire avec certitude qui aurait gagné s’ils avaient tous couru en même temps, chacun au sommet de sa forme.  Schumacher aurait-il été aussi impérial  s’il avait eu dans son écurie un pilote capable de le pousser dans ses derniers retranchements, ce qui ne lui était jamais arrivé avant son retour à la compétition ? Y-a-t-il eu un pilote aussi doué qu’Ayrton Senna sous la pluie ? Quel était le plus rapide sur un tour en qualifications entre Fangio, Clark et Senna ? Y-a-t-il eu un meilleur metteur au point que Prost ? Autant de questions qui resteront sans réponse parce qu’il ne peut pas y en avoir.

Cela dit je vais quand même me mouiller, non pas que je sois un technicien, mais en me basant sur ce qu’ont dit les meilleurs observateurs ou les pilotes eux-mêmes depuis que la F1 existe. Le premier doit être Fangio, suivi d’Ayrton Senna qui n’a pas disposé d’une voiture compétitive pendant les deux premières années de sa carrière, et de Jim Clark. Ensuite Stewart, Prost et Schumacher avant son retour à la compétition. En récapitulant, Fangio ce sont les années 50, Clark les années 60, Stewart les années 60 et 70, Prost et Senna les années 80 et 90 et Schumacher les années 90 et 2000. La boucle est bouclée, ce sont bien eux les meilleurs de leur époque. Comment s’appellera leur successeur ? Alonso, Hamilton, Vettel ? L’avenir le dira. Pour ma part je parierais un euro sur Hamilton.

Nom des

Champion

Nombre

Nombre
de

Nombre
de

Ratio%
victoires/

Ratio%
pole/

pilotes

du monde

de
victoires

pole
positions

grands
prix

gd prix
disputés

gd prix
disputés

J.M.
Fangio Arg

oui 5

24

29

51

47.1

 56.8

A.
Ascari Italie

oui 2

13

14

32

40.6

43.8

J. Clark
G.B.

oui 2

25

33

72

34.7

45.8

Schumacher
All

oui 7

91

68

268

33.9

25.3

J.
Stewart G.B.

oui 3

27

17

99

27.2

17.2

A. Prost
Fr

oui 4

51

33

199

25.6

16.5

A. Senna
Brésil

oui 3

41

65

161

25.5

40.3

S. Moss
G.B.

non

16

16

66

24.2

24.2

L. Hamilton G.B.

D. Hill G.B.

oui 1

oui 1

14

22

18

20

71

115

19.7

19.1

25.3

17.4

N.
Mansell G.B.

oui 1

31

32

187

16.5

17.1

F.
Alonso Esp

oui 2

26

20

158

16.4

12.6

S. Vettel All

G. Farina Italie

oui 1

oui 1

10

5

15

5

62

33

16.1

15.1

24.1

15.1

N. Lauda
Autriche

oui 3

25

24

171

14.6

14.0

M.Hakkinen
Finl

oui 2

20

26

162

12.3

16.0

K.Raikkonen
Finl

oui 1

15

14

122

12.3

11.4

N. Piquet
Brésil

oui 3

23

24

204

11.2

11.7

J.Brabham
Aust

oui 3

14

13

126

11.1

10.3

*ratios arrêtés à la fin de la saison 2010

Michel Escatafal