Un week-end de sport heureux…mais gâché par l’arbitrage

SoroTout d’abord je voudrais donner une information importante à mes lecteurs…parce qu’ils ne la liront pas nécessairement, pour nombre d’entre eux, sur les journaux ou les sites sportifs : la finale du championnat de France de rugby à XIII opposera Pia à Saint-Estève XIII Catalan le 5 mai prochain. Deux clubs du Roussillon qui vont s’affronter au stade Gilbert Brutus à Perpignan, ville dont je rappelle aussi qu’elle abrite le club phare du XIII en France, les Dragons Catalans, lesquels ont le droit de participer au championnat anglais, et s’y comportent d’ailleurs fort bien, puisqu’ils sont à ce jour cinquième au classement de cette Ligue. Et oui, c’est dommage, mais en France on a le plus souvent les informations sur le rugby à XIII « qu’en tout petit » dans la presse.

Passons à présent sur quelques évènements de ce week-end, en commençant par la victoire du PSG sur Evian-TG à Annecy. Qu’y-a-t-il d’extraordinaire allez-vous me dire sur cette victoire parisienne, qui est tout de même normale, vu la différence présumée de niveau entre ces deux clubs ? J’ai dit présumée, car ETG a éliminé la semaine dernière le PSG en Coupe de France, mais la Coupe n’était clairement pas la priorité du PSG, du moins de ses joueurs, lesquels voulaient surtout obtenir le titre de champion de France. Quant aux dirigeants et au staff technique du club haut-savoyard, j’ai comme l’impression qu’ils ne savent pas réellement choisir leurs objectifs. Si je dis cela c’est parce que je pense qu’au lieu de dépenser une tonne d’énergie à essayer de battre le PSG, tant en Coupe qu’en championnat, il aurait mieux valu qu’ils se concentrent sur leur maintien en Ligue 1, lequel du fait de cette nouvelle défaite est de plus en plus compromis. Il est vrai que dans notre pays on aime bien, l’espace d’un match, montrer que « le petit » peut rivaliser avec « le gros », surtout s’il a beaucoup d’argent…quitte à tout sacrifier, et notamment l’essentiel.

En France, en effet, avoir des moyens est très mal vu, y compris dans le football, ce qui explique la haine de certains spectateurs et amateurs de football, lesquels n’hésiteront pas à enregistrer avec satisfaction le comportement assez stupide d’un arbitre en mal d’autorité. Et hier, force est de constater que l’arbitrage du match ETG-PSG a été affligeant, allant jusqu’à mettre un carton rouge à Beckham pour une faute qui méritait à peine un jaune, sans parler de l’expulsion de l’adjoint d’Ancelotti et celles d’après-match sur Khlifa et Sirigu…qui était au vestiaire. Pour Verratti, c’était en revanche plus justifié, même si je ne suis pas de ceux qui confondent une agression sur un joueur et des mots. Mais sur ce plan, comme le dit Ancelotti, il devait être attentif ayant déjà eu un carton jaune. Il faut impérativement que le jeune milieu italien se calme, sous peine de ne pas devenir l’immense joueur qu’il promet d’être. Belle pioche du PSG quand même !

Belle pioche aussi avec Pastore, qui finit sa saison en boulet de canon. Au moins, il aura fait taire tous ceux qui ne cessaient de parler à son propos de 42 millions d’euros…sans savoir exactement si c’est bien 42 millions qu’il a coûté. En outre, l’air des Alpes semble lui convenir à merveille, ce qui est normal vu ses origines italiennes, puisqu’il a marqué 3 buts à Evian TG depuis l’an passé. Mais quel joueur va être ce Pastore d’ici deux ou trois ans, quand il aura atteint sa pleine maturité! De plus, lui n’a pas été sanctionné par l’arbitre de la rencontre, ce qui est une forme d’exploit au vu de la distribution à laquelle s’est livré ledit arbitre. Trois ou quatre cartons rouges (je ne sais plus), y compris certains à la fin du match, sans parler d’ailleurs des erreurs en cours de match…presque toutes en défaveur du PSG.  Tout cela paraissait d’un ridicule incroyable, et ne fait pas la grandeur d’un championnat qui, pourtant, veut s’imposer parmi les meilleurs du continent.

Certains vont dire que si Lavezzi et Ibrahimovic avaient fait preuve d’un peu plus de réalisme, tout cela ne serait sans doute pas arrivé. Certes, mais le rôle d’un arbitre n’est pas d’être la personne dont on parle le plus dans un match de haut niveau. Or, qu’a-t-on retenu de cette rencontre ETG-PSG, sinon les erreurs et les sanctions infligées par un arbitre dépassé ? Dommage, car j’ai trouvé que le but de Pastore méritait d’être mis en exergue, comme l’action où Lavezzi manque l’immanquable. Cela étant, encore une fois, ce qui me gêne le plus dans tout cela est cette haine anti PSG, comme sans doute on ne l’a jamais ressentie dans le championnat de Ligue 1 depuis des lustres. J’ai lu en effet qu’un spectateur racontait, qu’ayant assisté au match, il avait l’impression que les spectateurs présents n’étaient pas vraiment des supporters de l’équipe d’Evian, mais plutôt des gens qui étaient d’abord anti-parisiens. Hélas, je reconnais bien là le pays dans lequel je suis né !

Passons au rugby à présent pour noter que le Top 14 est bien le meilleur des championnats européens. La preuve, ce sera une finale de Coupe d’Europe 100% française, avec le RC Toulon et l’ASM Clermont. Une belle finale à vrai dire entre les deux premiers de notre championnat, chacune de ces deux équipes étant composée à la manière du PSG, avec un nombre conséquent de joueurs étrangers. La différence aux yeux des nombreux non-sportifs qui peuplent les forums venant du fait que les capitaux, infiniment moindres toutefois, ne proviennent pas du Qatar. Du coup, curieusement le nombre d’étrangers dans ces deux équipes ne gêne personne ! Cela étant, on devrait assister à un grand match à Dublin, pour cette finale européenne entre deux formations ayant de très nombreux atouts pour s’imposer. Deux gros packs vont s’affronter, avec des joueurs à la fois très forts et très expérimentés. Et derrière ce ne sera pas mal non plus, avec côté clermontois  Sivivatu, Nalaga, Rougerie ou encore le meilleur joueur français du moment, Fofana, sorte de Philippe Sella des temps modernes, et de l’autre Michalak, Giteau, Bastaraud et bien sûr l’incomparable Jonny Wilkinson, qui prouve à 33 ans qu’il est encore au sommet de son art, comme en témoigne sa réussite au pied mais aussi son influence sur le jeu toulonnais. Bravo à Mourad Boudjellal pour avoir cru en lui quand plus personne n’y croyait, et pour l’avoir convaincu de rester un an de plus sur la rade.

Un dernier mot enfin pour noter la disparition de Robert Soro, appelé le « Lion de Swansea », tellement il avait été brillant lors de la première victoire du XV de France contre le Pays de Galles (qui jouait alors à Swansea), décédé hier à l’âge de 90 ans. Il a été 21 fois international à la fin des années 40. Son gabarit était imposant pour l’époque (1.85m et 110 kg), et il jouait deuxième ligne. Il avait surtout fait carrière au F.C. Lourdes, avec qui il fut finaliste du championnat de France en 1945, battu par le SU Agenais (7-3) à la surprise générale parce que les Agenais avaient subi une sévère correction en poule de quatre (une trentaine de points d’écart), en raison notamment de la terrible puissance du pack lourdais, où figurait, outre Soro et son frère (3è ligne), un certain Jean Prat. Cette puissance ne fut cependant pas suffisante en finale pour annihiler les velléités du S.U. Agenais qui, après avoir été rapidement mené par un essai du troisième ligne centre Augé, se refit une santé en deuxième mi-temps pour marquer un drop et un essai transformé, mais aussi en profitant du manque de réussite de Jean Prat dans ses tirs au but.

Si j’évoque longuement cette finale, c’est également parce que cette défaite  inattendue du F. C. Lourdais provoqua dans les rangs de cette équipe une prise de conscience, qui allait lancer le grand Lourdes vers les sommets du rugby français. Jean Prat notamment, bien que très jeune à l’époque, ayant constaté à ses dépens  que la seule force d’un paquet d’avants, aussi puissant soit-il, n’était pas suffisante pour s’imposer face à un adversaire déterminé. Confirmation en fut apportée l’année suivante en finale face à Pau (défaite 11-0), qui déclencha le grand virage dans l’organisation lourdaise, avec un jeu à la fois mobile et complet où les trois-quarts apportaient leur pierre à l’édifice. Tout cela entraînant le départ des frères Soro, autour desquels s’articulaient toutes les combinaisons du pack. Cela n’enlève rien au mérite des frères Soro, ni à la grande classe dont a toujours fait preuve Robert Soro. Nul doute qu’au paradis des joueurs de rugby, Robert Soro et Jean Prat (décédé il y a 8 ans) sauront parler de cette révolution dans le jeu lourdais il y a plus de 65 ans.

Michel Escatafal


Quel est le problème de Romain Grosjean ?

grosjeanEn lisant ça et là les comptes rendus des grands prix de Formule 1, on s’aperçoit que dans notre pays on parle essentiellement de la course des quatre hommes qui dominent le championnat, à savoir Alonso, Raikkonen, Hamilton et Vettel (ordre du dernier grand prix)…et de Romain Grosjean. Ce dernier, c’est le moins qu’on puisse dire, n’a pas tellement la cote auprès des fans de la F1 dans notre pays, certains de ceux-là allant jusqu’à dire qu’il est suisse, injure suprême des nationalistes trop chauvins. D’autres, nettement moins nombreux, prétendent qu’il faut lui laisser le temps de s’installer en Formule 1 avant de pouvoir rejoindre le clan des tops pilotes. Quelques uns enfin, vont jusqu’à affirmer qu’il n’a aucune chance de s’imposer pour le moment parce que Raikkonen est clairement le numéro un chez Lotus. Voilà un florilège des réactions que l’on trouve dans les divers articles spécialisés, ce qui résume parfaitement les sentiments qu’inspire le pilote franco-suisse.

Qu’en est-il objectivement ? Je ne suis pas un connaisseur assez avisé pour délivrer une opinion définitive, malgré l’amour que je porte à cette discipline depuis de nombreuses années, mais en revanche je sais lire le français ou l’espagnol, voire même l’anglais et l’italien, ce qui me permet de me faire une opinion à travers les réactions des vrais connaisseurs, à commencer par les anciens pilotes. Et tous sont unanimes pour dire que si Grosjean est un pilote rapide, certains disent même « un avion de chasse », c’est aussi un compétiteur friable sur le plan mental, Prost affirmant que le problème de Grosjean est d’ordre « psychologique », ce qui apparaît évident, même si cela n’explique pas la différence de résultats entre le pilote franco-suisse et le champion du monde 2007. Et oui, avant d’être chez Lotus, avant les deux années qu’il a consacrées au WRC, Raikkonen a été champion du monde, et aurait même dû l’être au moins deux autres fois s’il n’avait pas été trahi par son matériel, à l’époque où il était chez Mac Laren.

Tout cela pour dire que Romain Grosjean n’a pas à rougir d’être dominé par Raikkonen, son prestigieux coéquipier, à la fois rapide en qualifications, mais aussi et surtout en course. Et s’il en fallait une nouvelle démonstration, nous l’avons eu dimanche en Chine, où malgré un museau amoché par une manœuvre hasardeuse de Perez, Kimi Raikkonen continuait à accumuler les tours rapides…pendant que Grosjean avait du mal à se détacher des voitures œuvrant dans le ventre mou du peloton. Cela dit, je me demande si la vraie difficulté de Romain Grosjean ne se situe pas plutôt au niveau de son ego, ce qui d’une certaine façon rejoint le côté psychologique évoqué par Alain Prost. Pour parler clairement, Grosjean n’accepte pas la supériorité de Raikkonen…ce qui est bien dommage pour lui. Et ce serait la même chose s’il était chez Ferrari, Red Bull ou Mercedes, car les premiers pilotes de ces écuries sont au-dessus des autres. Mais la différence entre Grosjean et Massa, Rosberg ou Webber, réside dans le fait que la domination du pilote numéro un les pousse parfois à se surpasser, alors que dans le cas de Grosjean cela semble lui fait faire perdre ses moyens.

En fait, comme je l’ai dit dans un article précédent, Grosjean a fait illusion l’an passé lors des premiers grands prix parce que Raikkonen, malgré son immense talent, devait se réhabituer à la conduite d’une F1, et il lui a fallu quelques grands prix et un minimum de temps pour être au maximum de ses possibilités. Oh certes pas beaucoup, parce qu’il a été performant presqu’immédiatement, mais suffisamment pour donner à penser à Grosjean qu’il pouvait « taper » Raikkonen. Lui donner aussi l’illusion qu’il était meilleur qu’il ne l’est réellement. Lui laisser croire qu’il était capable de rivaliser avec les plus grands, pour peu qu’on lui donne le même matériel. Je pense même qu’il en était arrivé à se convaincre qu’à l’époque où il était chez Renault (2009), il aurait pu faire jeu égal avec Alonso si ce dernier n’avait pas eu le statut de premier pilote que personne ne pouvait lui contester.

Problème pour Grosjean, dès que Raikkonen est redevenu complètement « Iceman », il a pu s’apercevoir que Raikkonen, comme Alonso, faisait partie des plus grands pilotes de l’histoire de la Formule 1, appartenant à la quinzaine d’entre eux ayant remporté 20 grands prix et plus*. Rien qu’en évoquant cette statistique, on s’aperçoit que Romain Grosjean a eu grand tort de se surestimer, ce qui l’a conduit aux errements que l’on connaît, sans parler de ses incessantes jérémiades sur le matériel qui lui est fourni, allant même jusqu’à suspecter un problème sur le châssis de sa Lotus. Et je reste persuadé que s’il avait eu l’humilité d’apprendre son métier tranquillement auprès d’un top pilote, il serait déjà devenu un champion comme l’ont été, pour ne citer que des Français, Trintignant, Beltoise, Cevert, Pironi, Arnoux, Laffite, Depailler, Jabouille, Tambay, Alesi ou Panis, tous vainqueurs d’un ou plusieurs grands prix.

Or, s’il continue sur cette voie, il ne deviendra même pas un « malchanceux magnifique » comme l’ont été en leur temps Behra (années 50) et Jean-Pierre Jarier (années 70-80), surnommé « Godasse de plomb ». Espérons que cette funeste prophétie ne se réalisera pas, et que Romain Grosjean se mettra sérieusement au travail, quitte à rester dans l’ombre de son coéquipier. Après tout c’est un statut qui n’a pas mal réussi à des pilotes comme Moss (qui a remporté 16 victoires dans toute sa carrière) à l’époque où il courait avec Fangio chez Mercedes, Coulthard (13 victoires) notamment avec Hakkinen chez Mac Laren, Massa et Barrichello chez Ferrari (11 victoires en tout pour chacun), Patrese (avec Piquet et Mansell chez Williams) qui a remporté 6 victoires, une de plus que Regazzoni et Watson (avec Lauda chez Ferrari pour l’un et Mac Laren pour l’autre), sans oublier Webber qui en est à ce jour à 9 victoires, bien qu’il soit dans l’ombre de Vettel depuis que ce dernier appartient à l’écurie Red Bull. C’est tout le mal que je souhaite à Grosjean…qui toutefois ne sera jamais au niveau des plus grands.

Michel Escatafal

• Ces 15 pilotes sont dans l’ordre Schumacher (91), Prost (51), Senna (41), Mansell (31), Alonso (31), Stewart (27), Vettel (27), Clark (25), Lauda (25), Fangio (24), Piquet (23), Damon Hill (22), Hamilton (21), Hakkinen (20) et Raikkonen (20).


A propos des grands buteurs français et étrangers…

fontaineEn lisant les journaux de sport et plus particulièrement ceux consacrés au football, je suis toujours surpris quand je lis ça et là que le PSG est dépendant d’Ibrahimovic, avec des réflexions du style : « Que serait le PSG sans Ibrahimovic » ? Mais que ces techniciens au petit pied se posent aussi la question de savoir ce que vaut le Barça sans Messi, ou le Real sans C. Ronaldo, ou l’Atlético de Madrid sans Falcao. D’ailleurs, à propos du Barça, on en a une idée très précise depuis mercredi dernier et le match F.C. Barcelone-PSG, puisqu’il a fallu l’entrée de Messi en deuxième mi-temps pour sauver le club catalan d’une élimination en 1/4 de finale de la Ligue des Champions.  Curieux que dans notre pays on passe son temps à chercher des problèmes là où il n’y en a pas ! Après tout, si des clubs mettent des dizaines de millions d’euros pour acquérir le grand attaquant qui va valoriser leur équipe, ce n’est quand même pas pour le laisser au placard, ou alors s’il le fait c’est que le club s’est trompé ou a des problèmes de gestion de l’effectif. Cela peut arriver quand on veut associer deux énormes stars évoluant plus ou moins dans la même zone, mais dans ce cas les grands clubs n’hésitent pas à en sacrifier un et à permettre à l’autre de continuer sa carrière ailleurs. C’est arrivé à plusieurs reprises au Barça, le club de Messi, dans lequel tour à tour Ibrahimovic et  Eto’o ont eu droit à un bon de sortie après avoir marqué quand même de nombreux buts. Ainsi Ibrahimovic a inscrit 24 buts en 42 matches au cours de sa seule saison au Barça (2009-2010). Je ne serais pas surpris que David Villa subisse le même sort à court terme, d’autant qu’il est moins prolifique en buts qu’Eto’o et Ibrahimovic.

En parlant des attaquants du Barça, cela me fait penser à Thierry Henry qui, lui aussi, a appartenu à cette race des très grands, dignes de ceux que j’ai cités précédemment, mais qui a pu se reconvertir lors de son arrivée au Barça au poste de ses débuts, à savoir celui d’attaquant excentré…ce qui ne l’a pas empêché de marquer 49 buts en 121 matches joués avec le F.C. Barcelone entre 2007 et 2010, dont  29 buts en 51 matches officiels (plus 14 passes décisives) lors de la saison 2008-2009. Un grand buteur ou plutôt un grand attaquant finit toujours par marquer beaucoup de buts quelles que soient les circonstances…et c’est ce qui les différencie de tous les autres joueurs opérant aux avant-postes. C’est pour cela que j’affirme qu’il faut savoir raison garder dans notre pays chaque fois qu’on a un joueur qui marque une vingtaine de buts ou plus dans la saison dans notre championnat de Ligue1. Cela arrive d’ailleurs assez souvent, du moins si l’on se fie au classement du meilleur buteur ces dernières saisons. Qu’on en juge, après l’ère de l’excellent avant de pointe portugais Pauleta (en gros jusqu’en 2007), et après Benzema  (meilleur buteur en 2007-2008 avec l’Olympique Lyonnais), qui depuis a fait son trou au Real Madrid, ce qui en dit long sur sa classe surtout avec la concurrence d’Higuain, nous avons eu successivement comme meilleurs buteurs, Gignac (à l’époque à Toulouse) avec 24 buts en 2008-2009, puis Niang (à l’époque à l’OM) avec 18 buts en 2009-2010, puis Sow (à l’époque au LOSC) en 2010-2011 avec 25 buts, devant Gameiro qui jouait au F.C. Lorient avec 22 buts,  et la saison passée Giroud (Montpellier) qui a marqué 21 buts.

Sans vouloir être critique, qu’ont fait les saisons suivantes Gignac, Niang, Sow, Gameiro et à présent Giroud, tous ces attaquants ayant changé de club par la suite ? Tout le monde connaît les déboires de Gignac à l’OM, avant de retrouver des couleurs cette saison, après deux années très décevantes, mais pour autant peut-on le considérer comme un avant-centre de classe internationale? Niang pour sa part a quitté l’OM pour la Turquie, sans rééditer ses exploits marseillais avant de partir au Qatar. Sow a suivi un peu le même chemin, en partant comme Niang dans un club turc, sans lui aussi réaliser des choses extraordinaires. Quant à Gameiro et Giroud, ils n’ont confirmé ou ne confirment ni l’un ni l’autre leur dernière saison à Lorient et à Montpellier dans leur nouveau club, le PSG pour Gameiro qui, la saison passée, n’avait pas Ibrahimovic comme concurrent, et Arsenal pour Giroud, même s’il joue assez régulièrement dans le club londonien, et même s’il a marqué 16 buts en 43 matches. Cela étant, pour l’instant il n’a pas fait oublier Van Persie…ce qui n’étonnera personne.

Tout cela pour dire que toute comparaison entre les meilleurs buteurs de la Ligue 1 et par exemple ceux de la Liga , sauf évidemment Ibrahimovic, relève de la fantaisie journalistique. Il faut s’y faire, mais le seul attaquant français de niveau international s’appelle Benzema, n’en déplaise à ceux qui lui reprochent son manque d’efficacité en équipe de France, mais il est un ton en dessous des tous meilleurs de la planète. Quant aux autres, ils sont très bons, surtout quand ils opèrent dans les bonnes équipes de notre championnat où on joue pour eux, comme c’est ou ce fut le cas pour Lorient, Montpellier ou l’actuel OM, largement en dessous de celui qui  arriva en finale (1991) ou qui gagna la Ligue des Champions (1993),  mais c’est insuffisant pour s’enflammer et faire la comparaison avec les meilleurs mondiaux.  En cela ils me rappellent quelques excellents buteurs que l’on a connus  par le passé. Sans remonter trop loin, on peut citer Pierre Sinibaldi (Stade de Reims), Baratte (LOSC), Grumelon (Stade Rennais) à la fin des années 40, Kargu (Girondins), Courteaux (OGC Nice), Bliard (Stade de Reims) dans les années 50, Masnaghetti (US Valenciennes) en 1962-1963, Simon et Gondet (F.C. Nantes) en 1964-1965 et 1965-1966, Sansonetti  (AC Ajaccio) en 1967-1968, André Guy (O. Lyon) en 1968-1969, Garande (AJ Auxerre) en 1983-1984, Zénier (FC Metz) en 1986-1987), Boli (RC Lens) et Ouedec (F.C. Nantes) en 1993-1994, ou encore Stéphane Guivarch (AJ Auxerre) en 1996-1997 et 1997-1998, sans oublier Djibrill Cissé (AJ Auxerre) en 2001-2002 et 2003-2004.

Les autres années ce sont des étrangers, comme le Tchèque Humpal (1948-1949), l’Algérien Oudjani (1963-1964), l’Argentin Onnis, le Croate Skoblar, qui détient le record avec 44 buts marqués pour l’OM en 1970-1971 devant le Stéphanois Salif Keita qui en avait marqué 42 cette même année, l’Argentin Bianchi dans les années 70 et même 80 pour ce dernier, l’Allemand Kostedde (1979-1980), le Bosniaque Halilhodzic (années 80), le Croate Boksic (1993), le Brésilien Sonny Anderson (années 90 et début 2000 avec Lyon) aussi prolifique que son homonyme suédois, prénommé Gunnar,  qui fit les beaux jours de l’OM au début des années 50, tous très connus. Cela dit, le football français a eu, lui  aussi,  quelques uns des plus beaux spécimens que le football ait produits comme buteur. Dans les années 50 il y eut bien sûr le Racingman Cisowski, le Nancéien et Rémois Piantoni  et le meilleur de tous (toutes époques confondues), Just Fontaine (OGC Nice et Stade de Reims), qui possède des ratios ébouriffants proches de ceux de Pelé et Puskas ( 197 buts pour 235 matches en club et 30 buts en 21 sélections nationales), supérieurs à ceux de Messi surtout en équipe nationale. Mais on n’oubliera pas non plus le Stéphanois de la grande époque (années 70) Hervé Revelli, le Marseillais Jean-Pierre Papin, meilleur buteur entre 1987 et 1992, et plus récemment le Bordelais Sylvain Wiltord (1998-1999). Tous ces joueurs français que je viens de citer avaient eux la vraie pointure internationale, certains comme Papin (AC Milan et Bayern) et Wiltord (Arsenal) ayant fait plus tard les beaux jours de grands clubs étrangers, comme auraient pu le faire si l’époque s’y était prêtée  Cisowski, Piantoni, Fontaine et Hervé Revelli. En effet à ce moment les joueurs français s’expatriaient peu.

Un dernier mot enfin, pour noter que ni le Franco-Argentin Nestor Combin, un des chouchous des supporters lyonnais (78 buts en 131 matches entre 1959 et 1964) avant de partir en Italie (Juventus, Torino, Varese et Milan AC), ni Michel Platini (AS Nancy-Lorraine et AS Saint-Etienne) ne figurent parmi ceux qui ont obtenu le titre de meilleur buteur en France. Cependant  Platini se rattrapera largement de cette anomalie, en devenant  entre 1983 et 1985, trois fois consécutivement meilleur buteur de la Série A italienne, à l’époque le meilleur championnat du monde. Pour mémoire je rappellerais que Michel Platini, était d’abord un meneur de jeu (numéro 10), et qu’il a marqué 125 buts en 214 matches avec l’AS Nancy-Lorraine, 82 buts en 145 matches avec l’AS Saint-Etienne, et 104 en 224 matches avec la Juventus, sans oublier ses 41 buts en 72 sélections avec l’équipe de France. Enfin, on ne trouve pas trace non plus au palmarès des meilleurs buteurs de Ligue 1, de trois autres buteurs de classe mondiale en plus du Malien de Saint-Etienne Salif Keita (259 buts en 404 matches officiels dans sa carrière), ayant eux aussi débuté en France avant de s’expatrier, et pouvant afficher des statistiques comparables à celles de Platini. Il s’agit de Didier Drogba qui a marqué 237 buts en 540 matches dans ses divers clubs (dont l’OM en 2003-2004) plus 60 buts en sélection (96), Thierry Henry, dont j’ai déjà parlé,  avec ses 341 buts pour 732 matches en club et ses 52 buts en sélection (123), et David Trezeguet, qui affiche 260 buts en ayant joué 515 matches officiels, plus 34 buts en sélection (71). Comme on le voit, ne pas être meilleur buteur de Ligue 1 n’interdit pas de figurer parmi les meilleurs attaquants de l’histoire…ce qui relativise ce classement dont on nous parle beaucoup lors de chaque soirée de championnat.

Michel Escatafal


Le championnat de Ligue 1 est-il aussi faible que certains le disent ?

Ligue1Avant d’aborder le sujet dont je veux parler, la compétitivité de la Ligue 1 sur le plan international, il y a deux informations qui m’ont paru curieuses ces deux derniers jours. La première, c’est le fait que le FC Barcelone veuille porter plainte auprès de l’UEFA…contre l’arbitre de la rencontre PSG-FC Barcelone de mardi dernier. Voilà une nouvelle incongrue qui en dit plus long que nombre de commentaires sur la peur que le club parisien inspire au Barça, surtout si Messi ne devait pas jouer. Il est vrai  que le PSG aurait pu gagner le match-aller, et qu’il possède quand même plusieurs joueurs de très haut niveau international comme Ibrahimovic, Lavezzi, Lucas, Thiago Silva, bientôt Verratti, sans oublier évidemment Blaise Matuidi qui sera absent au Camp Nou pour le match retour.

Et pourquoi donc le Barça veut-il porter plainte ? Parce que l’arbitre a validé le but d’Ibrahimovic (hors-jeu) en ayant laissé le jeu se dérouler, alors que Barcelone avait deux joueurs blessés en même temps. Voilà qui ne fait pas très sérieux pour un club comme le FC Barcelone ! En effet, si effectivement l’arbitre s’est trompé sur le but d’Ibrahimovic, ce n’est pas le premier à qui pareille erreur est arrivée, ni le dernier. En revanche on ne peut pas suspecter l’arbitre d’avoir fait un arbitrage « à la maison », comme on dit, quand on pense au pénalty accordé au Barça, que bien d‘autres arbitres n’auraient pas sifflé parce que l’attaquant catalan (Sanchez) avait perdu le ballon, sans parler du carton jaune de Matuidi, élément clé du dispositif du PSG, pour une faute qui ne méritait sans doute pas une sanction aussi sévère. Bref, il y a un peu de mauvaise foi de la part des dirigeants du Barça, club qui, lui-même, a bénéficié assez souvent de la mansuétude des arbitres à son égard, notamment lors de ses confrontations avec Chelsea en Ligue des Champions. Didier Drogba peut en témoigner !

Autre nouvelle qui fait parler : ce qu’aurait dit Zlatan Ibrahimovic à propos de la venue de Rooney à Paris cet été. J’emploie le conditionnel, parce que le Paris Saint Germain est tellement riche qu’on lui prête des tas d’intentions…qu’il n’a pas nécessairement. Dès qu’un joueur est fort, ou se révèle, on l’envoie à Paris, puisque désormais le PSG fait partie des grands d’Europe, après à peine un an et demi d’existence sous sa nouvelle formule. Alors on parle outre C. Ronaldo et Rooney, de Vidal (Juventus), Isco (Malaga), Hulk (Zénith), Cavani (Naples) ou encore D. Alves (Barcelone) et Bale (Tottenham). Bien sûr tous ces joueurs ne viendront pas au PSG. Qu’en ferait-il ? Mais sans doute un, deux ou trois d’entre eux rejoindra la phalange parisienne, ce qui ne fera qu’augmenter sa puissance de feu. En outre, désormais tout le monde veut bien venir à Paris…car c’est la certitude pour un grand joueur de jouer les premiers rôles en Europe (« nous voulons être le meilleur club en Europe » dixit Ibrahimovic) et, accessoirement, de gagner beaucoup d’argent.

Après ce long préambule, essayons de voir à présent si le championnat de Ligue 1 est aussi faible que certains veulent bien le dire. En disant certains, je veux parler uniquement de ceux qui parlent posément du sujet, et non de ceux dont la réflexion ne dépasse pas la hauteur du gazon. Fermons la parenthèse, pour dire que La Ligue 1 n’a jamais eu la réputation d’un championnat au niveau très élevé, sauf peut-être dans les années 50 avec le Stade de Reims, le Lille OSC, le Racing de Paris ou l’OGC Nice, époque où la France gardait ses meilleurs joueurs. A ma connaissance, dans ces années-là, seuls Kopa et Bonifaci se sont expatriés parmi nos meilleurs joueurs, ce qui veut dire que tous les autres jouaient en France (Fontaine, Piantoni, Vincent, Douis, Jonquet, Mekloufi, Penverne, Marcel, Ujlaki, Kaelbel, Lerond, Marche, Zitouni etc.). En outre, nos clubs bénéficiaient de la présence de quelques très grands joueurs étrangers, qui bonifiaient encore plus nos meilleures équipes (Amalfi, Andersson, Appel, Di Loretto, Muro, Carniglia, Stojaspal, Mellberg, Brodd, Van Rhyn, Rijvers, Gonzales etc.).

En revanche, dans les années 60, l’interdiction de recruter des étrangers, sauf ceux qui avaient des origines françaises (les Franco-Argentins De Bourgoing, Combin, Rambert, Maison, Gauthier), a beaucoup affaibli nos clubs par rapport à des pays comme l’Espagne ou l’Italie qui recrutaient à tour de bras les meilleurs joueurs étrangers depuis la décennie précédente. Les frontières se rouvrirent ensuite dans les années 70, avec l’arrivée de quelques vedettes internationales comme Magnusson et Skoblar à l’OM, Curkovic et Piazza à Saint-Etienne, Rep à Bastia, Onnis à Monaco, Mihajlovic à Lyon, Katalinski et Bjekovic à Nice, mais cela ne suffisait pas pour rendre nos clubs plus redoutables par rapport aux meilleurs du continent. Ce le sera finalement dans la décennie 90, grâce à l’OM et au PSG, les deux seuls clubs à avoir inscrit leur nom au palmarès européen…parce qu’ils avaient su garder ou récupérer les meilleurs joueurs français, et parce qu’ils avaient su investir pour recruter quelques joueurs de haut niveau international. Parmi eux, on citera Mozer, Waddle, Boksic, Abedi Pelé à l’OM, et Rai, Ricardo, Valdo, Weah au PSG, pour ne citer que des footballeurs figurant dans les équipes ayant remporté la Ligue des Champions (1993) ou la Coupe des Coupes (1996).

Comme on peut le voir la présence de grands joueurs nés et formés hors de l’Hexagone a beaucoup joué, comme elle joue tout autant aujourd’hui au PSG, où seuls trois ou quatre Français jouent régulièrement dans l’équipe type (Matuidi, Jallet, voire Chantome et Menez). C’est ainsi, et l’on n’y peut rien, depuis l’ouverture obligatoire des frontières européennes. Cela dit, mis à part l’OM et le PSG (une seule fois pour les deux clubs), aucune autre équipe française n’a gagné une compétition européenne, contrairement à nos voisins européens, ce qui fait écrire que le niveau de notre championnat est faible, ce qui est faux. Certes, il n’y a plus un seul club français qualifié en Ligue Europa, la Ligue des Champions de consolation, alors qu’il y a des clubs portugais, russes, turcs et suisse, mais qui peut croire sérieusement que Bâle ou Fenerbache sont supérieurs à l’OM, l’Olympique Lyonnais ou même l’AS Saint-Etienne ?

D’ailleurs, ceux qui n’entendent rien au football ne cessent de citer la défaite de Marseille contre Limassol, mais là aussi, qui peut imaginer que le club chypriote avait une équipe supérieure à celle de Marseille ? Personne. En revanche ce que l’on peut parfaitement comprendre, c’est que les clubs français n’aient pas les moyens de compter dans leurs rangs 25 joueurs susceptibles d’opérer dans l’équipe fanion de leur club, seule condition chez nous, avec un championnat très serré, pour jouer sur les deux tableaux, français et européens. Les clubs français, à l’exception bien sûr du PSG, sont obligés de recruter malin parce que sous surveillance de la DNCG, ce qui explique que leur priorité va au championnat de Ligue1, celui-ci ouvrant la perspective de disputer la lucrative Ligue des Champions, ce qui n’est pas le cas de la Ligue Europa, dont le vainqueur n’est même pas qualifié d’office pour cette Ligue des Champions. Voilà une des raisons qui font que la motivation des équipes françaises est d’abord hexagonale, avant d’être européenne.

Quel est le banc de l’OM, de l’OL ou des l’ASSE, si on le compare à celui du Real, de Barcelone, du Bayern, de la Juve ou…du PSG ? N’oublions pas que mardi, il y avait sur le banc du PSG des joueurs comme Douchez le gardien, Van der Wiel, mais aussi Sakho, Armand, Verratti, Chantome, Ménez et Gameiro, sans oublier Thiago Motta blessé, autant d’éléments qui auraient leur place dans l’équipe type partout ailleurs en France et dans de nombreux clubs de premier plan en Europe. Voilà pourquoi le PSG est le seul club français susceptible de jouer sur plusieurs tableaux, ce qui lui vaut aussi de disputer 38 matches de coupe dans son championnat face à des équipes hyper motivées, quitte à s’effondrer les matches suivants. C’est comme cela que le PSG a été devancé l’an passé par Montpellier…aujourd’hui à la septième place du classement à 16 points du PSG !

Et cette année, si les Parisiens ne dominent pas le championnat autant qu’on pourrait l’imaginer, c’est parce que des clubs comme le Stade Rennais, le Stade de Reims ou l’OGC Nice ont disputé le match de leur vie pour battre Paris et ses stars. En outre, même si le niveau n’est pas très élevé, celui-ci est plus homogène que dans nombre de pays, d’où l’intensité et le suspense du championnat de Ligue1, tant pour le haut du classement que pour éviter la relégation…catastrophique sur le plan financier pour les clubs concernés, comme serait catastrophique pour l’OM et l’OL une non qualification dans la Ligue des Champions. Et ce n’est pas la « fumeuse » taxe à 75% qui va aider les clubs français. Décidément, nos clubs de football ne sont pas gâtés par rapport à leurs homologues étrangers !

Michel Escatafal


Paris-Roubaix : une course où l’enfer côtoie le paradis

 paris-roubaixQuand on évoque Paris-Roubaix, on parle immédiatement de l’Enfer du Nord, parce que cette épreuve est très particulière. En fait, elle l’est tellement, que désormais les meilleurs coureurs à étapes n’y participent pas, ce qui est bien dommage. Oh certes, ils ont une bonne excuse pour ne pas y participer, à savoir le risque de chute qui pourrait les empêcher de courir le Tour de France, excuse que les cracks d’autrefois ne se donnaient pas. D’ailleurs pourquoi l’auraient-ils prise en compte, dans la mesure où rares ont été les chutes irrémédiables empêchant les coureurs de poursuivre leur saison ? En tout cas, ni Coppi, ni Bobet, ni Anquetil, ni Merckx, ni Hinault, ni Laurent Fignon, pour ne citer qu’eux, n’ont souffert de leur participation  à Paris-Roubaix, avec des fortunes diverses pour ces coureurs. En effet, parmi les hommes que j’ai cités, deux d’entre eux,  Anquetil et Fignon, n’ont jamais gagné cette classique, en raison de la malchance ou d’un manque de réussite  à un moment ou un autre de la course ou de leur carrière.

La désillusion d’Anquetil (en 1958) lourde de conséquences

Toutefois c’est  Jacques Anquetil, en 1958, qui a nourri le plus de regrets, même si Fignon l’aurait emporté en 1988, s’il n’avait pas commis l’erreur de laisser partir ce jour-là Demol et Wegmuller, qui arrivèrent dans cet ordre au vélodrome. Pourquoi tant de regrets pour « Maître Jacques »? Parce que cette année-là, incontestablement, Anquetil était le plus fort du lot. L’année d’avant il avait remporté son premier Tour de France, et il avait fait de « la classique des pavés » un de ses objectifs majeurs de la saison. La preuve, il s’était présenté au départ en grande condition, signe évident de sa motivation, ce qu’il confirmera en roulant en tête toute la journée. Hélas pour lui, alors qu’il était en train de mettre à la torture ses derniers accompagnateurs, qu’il eut certainement lâchés avant l’arrivée, il fut victime d’une crevaison à douze kilomètres de l’arrivée. Résultat, la meute des poursuivants rattrape le petit groupe de tête à Hem, et la course se joue au sprint. A ce jeu c’est le très rapide Léon Van Daele qui l’emporte devant Miguel Poblet, Rik Van Looy, Rik Van Steenbergen et Fred De Bruyne. Un sprint royal, où l’on retrouvait dans un ordre différent le podium de l’année précédente, qui avait vu la victoire de Fred De Bruyne, devant Van Steenbergen et Van Daele.

Jacques Anquetil sortira profondément blessé (dans son cœur) de cette course, ce qui lui fera dire que Paris-Roubaix, et plus généralement les classiques d’un jour, c’est « une loterie ». C’est sans doute pour cela que le merveilleux rouleur normand achèvera sa carrière avec un palmarès assez mince dans les classiques, du moins pour lui, avec « seulement » Gand-Wevelgem, Liège-Bastogne-Liège et Bordeaux-Paris dans son escarcelle. Et nombreux sont ceux qui pensent aujourd’hui encore que s’il avait remporté Paris-Roubaix en 1958, il aurait sans doute un palmarès beaucoup plus fourni dans les courses d’un jour, à l’égal par exemple d’un Louison Bobet, vainqueur de Paris-Roubaix en 1956, mais aussi de Milan-San Remo, du Tour des Flandres et du Tour de Lombardie, sans oublier son titre de champion du monde en 1954.

Hinault a gagné Paris-Roubaix, mais il n’aimait pas cette course

En revanche Bernard Hinault aura davantage de réussite dans cette épreuve…qu’il n’aimait pas. D’ailleurs, la seule année où il a réellement préparé « la reine des classiques », en 1981, il feignait de montrer une certaine indifférence, en disant avec son langage imagé qui faisait le bonheur des commentateurs : « Ceux qui veulent que je gagne Paris-Roubaix à tout prix, ne sont pas ceux qui pédalent ! Je ne vais pas dans les bureaux dire aux gens de travailler plus, moi ! Je crois avoir déjà prouvé que j’étais le plus fort, et on me demande maintenant d’être aussi le meilleur sur les pavés ». Cependant, derrière cette façade, la détermination du « Blaireau » est totale, d’autant qu’il a sur le dos le maillot arc-en-ciel conquis quelques mois auparavant à Sallanches, dans la course que nombre de suiveurs ont considéré comme son chef d’œuvre.

Bref, tout était réuni pour que Bernard Hinault s’imposât sur le vélodrome de Roubaix. Il avait survécu aux crevaisons ou chutes inhérentes à la course, y compris quant à onze kilomètres de l’arrivée un petit chien traversa la route et le fit tomber, heureusement sans gravité. Sa lucidité à ce moment était telle que, pour éviter la pagaille qui régnait sur la chaussée, il contourna la haie de spectateurs pour reprendre presqu’aussitôt la route et rattraper le groupe de tête auquel il appartenait. C’était un signe supplémentaire que son jour était arrivé, et dès lors il n’eut plus aucun doute quant à la victoire. En outre il savait que dans un sprint, à l’issue d’une course très dure, il n’avait rien à craindre de Roger De Vlaeminck qu’il avait largement dominé dix  jours auparavant dans l’Amstel, ni de Moser, Van Calster ou encore De Meyer.  Et de fait, il confirma sa supériorité sur le vélodrome face à deux coureurs, De Vlaeminck et Moser, comptant sept victoires à eux, en se portant en tête à la cloche, et résistant au retour de De Vlaeminck qui sera battu d’une roue, Moser finissant pour sa part à deux longueurs. Du grand art ! A noter aussi la très belle course de Duclos-Lassalle qui préfigurait ses deux victoires de 1992 et 1993.

Le campionissimo hors concours

Cela dit, comment ne pas évoquer le Paris-Roubaix de 1950, remporté par Fausto Coppi, sans doute le plus grand coureur de l’histoire du cyclisme. Cette année-là ne fut pas la plus brillante de sa carrière, puisqu’il fut victime d’une insigne malchance qui contraria toute sa saison. Certains disaient qu’il payait son extraordinaire saison passée, où il réalisa le doublé Giro-Tour, un exploit inédit jusque-là, sans oublier ses victoires dans Milan-San Remo et le Tour de Lombardie, plus le titre de champion du monde de poursuite, le tout dans un contexte de concurrence exacerbée. Toutefois la presse italienne, assez versatile, aurait aimé qu’il ne se contentât pas de remporter les deux grands tours (Giro et Tour de France) et les épreuves italiennes. Elle était d’autant plus encline à la critique que Coppi n’avait pas gagné Milan-San Remo, laissant la victoire à son meilleur ennemi, Gino Bartali, chouchou de la péninsule.

Tout cela mit en fureur le campionissimo, et afin de confondre ses détracteurs, il se fixa pour objectif de gagner Paris-Roubaix. Il aimait d’autant plus cette course que, l’année précédente, il avait assisté à la victoire de son frère Serse, lequel fera partie de l’équipe (avec Conte, Carrea, Milano) chargée de l’aider dans son entreprise. En plus, conformément à ses souhaits, le temps (pluie et vent) s’était mis de la partie, ce qui ne pouvait que favoriser les hommes forts. Enfin c’était son jour de chance, car il réussit par miracle à échapper à une chute qui mit à terre un grand nombre de coureurs dont Kubler. Arrivé au premier point névralgique de la course, la côte de Doullens, Coppi était déjà dans le groupe de tête avec Magni, qui venait de remporter son deuxième Tour des Flandres, et André Mahé, le vainqueur de l’année précédente ex aequo avec Serse Coppi (en raison d’une erreur d’aiguillage les deux hommes furent classés tous deux à la première place).

Au ravitaillement Coppi, avec son maillot vert-blanc-rouge de champion d’Italie, ne prend pas sa musette, et place une attaque qui va le propulser une centaine de mètres devant un petit groupe comprenant Magni, Van Steenbergen et Bobet. Pour l’anecdote, si Coppi n’a pas pris la peine de prendre son ravitaillement, c’est tout simplement parce que ses coéquipiers lui ont permis de remplir ses poches auparavant. Fermons la parenthèse, pour souligner que Coppi rattrape très vite Diot et Sciardis échappés depuis longtemps, avant de lâcher d’abord Sciardis, puis Maurice Diot. Le campionissimo se retrouve donc seul, alors qu’il reste 45 kilomètres à parcourir. Personne ne le rattrapera et il arrivera à Roubaix, au vélodrome, avec trois minutes d’avance sur Diot, et presque six minutes sur Fiorenzo Magni. A la fin de la course, Diot fera rire tous les suiveurs en disant sa joie d’avoir gagné Paris Roubaix… parce que Coppi était « hors concours ». A noter que sur des routes à la limite du praticable, sur les pavés ou les trottoirs des bas-côtés, le recordman du monde de l’heure avait parcouru un peu plus de 41 kilomètres dans la dernière heure de course. Un exploit vraiment phénoménal, même s’il bénéficia de l’aide du vent ! Mais tel était le campionissimo, champion incontesté de l’âge d’or du cyclisme, qui a vu s’affronter Coppi, Bartali, Koblet, Kubler, Bobet, Magni, Van Steenbergen, De Bruyne, Schotte et Ockers.

Un dernier mot enfin, pour revenir à notre époque : qui va s’imposer sur le vélodrome de Roubaix dimanche prochain ? En fait, personne ne doute que ce sera Cancellara, pour la bonne raison que c’est le meilleur coureur du moment sur ce type de course, sans doute aussi fort qu’en 2010 quand il réalisa le doublé Tour des Flandres-Paris-Roubaix. C’est le pronostic le plus facile pour tous ceux qui se livrent à ce jeu, d’autant plus qu’il a remporté dimanche dernier le Tour des Flandres sans la moindre contestation possible. Toutefois les exemples sont nombreux où les outsiders s’imposèrent sur la « Reine des classiques. Parmi ceux-ci on citera les noms de Dirk Demol, déjà cité, en 1988, Jean-Marie Wampers l’année suivante, Frédéric Guesdon en 1997, Servais Knaven en 2001, Magnus Backstedt en 2004 ou encore Johan Vansummeren en 2011…devant Cancellara. Cela dit, avec deux victoires et deux deuxièmes places depuis 2008, et compte tenu de l’absence de Tom Boonen, vainqueur en 2005, 2008, 2009 et 2012, qui peut ambitionner de battre le coureur suisse…sauf accident et si ses blessures, en apparence mineures suite à sa chute aujourd’hui lors du Grand Prix de l’Escault, ne le font pas trop souffrir ? Personne en vérité, à moins qu’un Français ne se découvre des dispositions exceptionnelles pour cette épreuve, comme Marc Madiot, vainqueur en 1985 et 1991 ou encore Gilbert Duclos-Lassalle qui fit le doublé en 1992 et 1993 à presque 40 ans.

Michel Escatafal