Tout ce qui est excessif est dérisoire…y compris sur le football

Silva-LuizAujourd’hui c’est le 14 juillet, jour de fête nationale en France, mais aussi jour de deuil en Amérique du Sud ( le mot n’est pas trop fort même si ce n’est que du football), plus particulièrement en Argentine et, même encore au Brésil, avec une nouvelle fois la démonstration de l’imbécillité des amateurs de foot sud-américains, notamment les Brésiliens, fous de joie parce que les Argentins ont été vaincus en finale de la Coupe du Monde, hier soir, par les Allemands. Comme si cela pouvait les consoler de leurs déboires ! Autre démonstration de cette sottise, les commentaires des pseudos techniciens français à propos de David Luiz et Thiago Silva, oubliant simplement que la charnière centrale ne fait pas à elle seule une équipe, surtout quand celle-ci manque cruellement de grands joueurs. J’y reviendrai plus tard, puisque c’est en grande partie le sujet de mon article.

Mais avant de parler football et Coupe du Monde, je voudrais revenir sur deux sportifs français qui ont fait (un peu) la une des journaux ces derniers jours. Il s’agit de Christophe Lemaitre et Camille Muffat. Pour Lemaitre, l’affaire est entendue, ce n’est pas lui le grand sprinter que notre athlétisme attend depuis si longtemps, à savoir depuis la retraite de… Roger Bambuck à la fin des années 60 (voir mon article sur ce site « Lemaitre fera-t-il mieux que Bambuck ? A voir… ». L’autre sportif, ou plutôt sportive, Camille Muffat qui, à 25 ans, met un terme à une carrière déjà extrêmement brillante, mais qui aurait pu l’être beaucoup plus encore sans cette décision beaucoup trop prématurée, surtout en pensant au motif invoqué, un différend avec son entraîneur, Fabrice Pellerin. De quand datait les différents avec ce technicien? Personne n’en sait trop rien parmi les observateurs, mais c’est sans doute un problème récurrent qui a fini par prendre le dessus sur toute ambition future, notamment les Jeux Olympiques de Rio de Janeiro en 2016.

Cette décision de Camille Muffat est d’autant plus surprenante que cette jeune femme a vraiment l’air très équilibrée, comme elle en a toujours fait la preuve dans et hors des bassins. Je n’ai pas été très surpris par les décisions qu’avait prises en son temps Laure Manaudou, autre star de notre natation, mais en revanche Camille Muffat cela m’interpelle. Ne connaissant rien au milieu de la natation, je ne vais pas juger Fabrice Pellerin, mais cela ne m’empêche pas de faire le rapprochement avec la décision de Yannick Agnel de quitter avec fracas le même entraîneur, pour s’exiler aux Etats-Unis avec le succès que l’on sait. Peut-être tout simplement que Pellerin n’est qu’un remarquable technicien, oubliant que ses nageurs ou nageuses, qu’il a connus à 10 ou 12 ans à Nice…ont grandi. Et c’est d’autant plus vraisemblable que, comme Camille Muffat, Yannick Agnel est un jeune homme qui lui non plus ne fait pas la une des magazines people, comme le fit ou le fait encore (mais on s’en moque totalement à présent) Laure Manaudou.

En tout cas le sport français, si peu riche en grands champions dans les sports les plus médiatisés, va perdre une nageuse encore très jeune, qui a détenu deux records du monde (400 et 800m en petit bassin), qui a été championne du monde (400m en petit bassin), quatre fois championne d’Europe (petit bassin), et surtout qui a remporté 3 médailles au J.O. de Londres (or sur 400m, argent sur 200m  et bronze avec le relais 4x200m). Une nageuse aussi qui est l’archétype de l’exemple du sportif à la « tête bien faite », comme aurait dit Montaigne. J’aurais pu aussi parler du Tour de France, mais comme il reste encore deux semaines de course, j’aurais tout le temps pour évoquer cette Grande Boucle, qui a perdu son principal favori, ou plutôt un des deux favoris (Froome), parce que Contador semble être vraiment de nouveau à son meilleur niveau. Si c’est le cas, sauf accident ou maladie, il remportera son huitième grand tour, ce qui le rapprochera encore un peu plus de Merckx et Hinault.

Reste maintenant à évoquer la Coupe du Monde de football qui vient de s’achever, à l’issue d’une saison harassante où nombre de grands joueurs n’étaient plus à leur meilleur niveau, les joueurs, de plus en plus sollicités par leurs clubs, n’étant pas des robots. Certes on me fera remarquer que la moitié des joueurs du Bayern, qui après leur titre mondial en clubs sont allés jusqu’en demi-finale de la Ligue des Champions, font aussi partie de cette équipe d’Allemagne qui a remporté le titre de championne du monde pour la quatrième fois, mais il faut quand même noter que le Bayern se promène littéralement en Bundesliga, comme aucun autre grand club ne peut le faire ailleurs, que ce soit en Angleterre, en Espagne, en Italie, au Portugal ou en France. Cela étant,  toujours à propos des joueurs du Bayern, il y a aussi un autre élément important dans cette victoire allemande : le Bayern de Munich est le principal fournisseur de la Mannschaft, puisque 5 joueurs du Bayern étaient hier soir dans l’équipe qui a battu l’Argentine en finale de la Coupe du Monde hier soir (Neuer, Lham, Boateng, Schweintsteiger, Muller). Aucune autre grande sélection ne peut se comparer à l’Allemagne sur ce plan, preuve que, même si le football a évolué, pour remporter des titres avec la sélection nationale, mieux vaut s’appuyer sur une ossature de club, comme ce fut le cas précédemment pour l’Espagne et le FC Barcelone. Et si besoin était d’en faire un supplément de démonstration, regardons où en est l’équipe d’Angleterre, malgré ses nombreux clubs très riches et multi titrés en compétition de clubs.

Cela dit, est-ce que l’Allemagne mérite son titre? Oui et non, parce que cette équipe n’est quand même pas du niveau de certaines qui l’ont précédée, notamment celle de 1974 (Beckenbauer, Gerd Muller, Hoeness, Netzer, Breitner etc.). Ensuite, hier soir, elle a eu la chance de tomber sur une équipe d’Argentine qui pourra s’en vouloir éternellement de n’avoir pas converti les trois ou quatre grosses occasions qu’elle s’est procuré. En écrivant cela, je pense d’abord à Higuain, qui nous a fait une réplique de l’occasion qu’avait eu Dugarry en 1998, en finale contre le Brésil, à la différence que l’Equipe de France n’avait pas eu le temps de ressasser cette maladresse de notre avant-centre parce qu’elle avait gagné 3-0. Mais plus encore qu’Higuain, qui n’est pas un super joueur, pas plus que Palacios, et sans doute qu’Aguerro, beaucoup moins efficient que Lavezzi dans un style différent, je pense surtout à Messi, qui a raté son match et même sa Coupe du Monde.

Cela n’a pas empêché la FIFA de lui octroyer le titre de meilleur joueur, ce qui s’assimile à une drôlerie, alors que Di Maria, James Rodriguez, Lahm ou quelques autres auraient davantage mérité cette distinction. En citant le nom de Di Maria, c’est sans doute lui qui a le plus manqué à cette solide équipe d’Argentine, nombre d’observateurs objectifs et connaisseurs affirmant qu’avec lui, l’Argentine aurait fini par l’emporter. En tout cas il aurait à coup sûr mieux fait qu’Aguerro, et il aurait mis terriblement en danger la défense allemande par les brèches qu’il aurait créées. Autre cocasserie, pourquoi l’AS Monaco dépense-telle autant d’énergie à chercher un gardien pour concurrencer Subasic…alors qu’elle avait sous la main un des deux ou trois gardiens qui ont été les plus remarquables pendant ce Mondial brésilien ? Le football est vraiment peuplé de mystères !

Un dernier mot enfin, dans le même registre, pour évoquer Thiago Silva et David Luiz, à propos desquels ont lit tout et n’importe quoi, en notant au passage que si le Brésil avait été éliminé par le Chili, personne ne se poserait de questions sur le futur duo en défense du PSG. Tout juste aurait-on dit que, comme Messi et Ronaldo, Thiago Silva avait évolué à un niveau inférieur à se réputation. En revanche tout le monde dirait que David Luiz est bien le crack annoncé. Puis est venu le match contre l’Allemagne (défaite 7-1) et celui contre les Pays-Bas pour la médaille de bronze (défaite 3-0), et là ces deux joueurs sont devenus des tocards. « Tout ce qui est excessif est dérisoire », comme disait Beaumarchais! Et c’est d’autant plus vrai que le Brésil a survécu jusqu’en demi-finale grâce à sa défense centrale et à Neymar, qui animait à lui seul l’attaque brésilienne.

Problème, contre l’Allemagne, ni Neymar (blessé) ni Thiago Silva n’étaient là, laissant David Luiz désespérément seul. Certes ce magnifique joueur, technicien et lutteur de premier ordre, a sans doute besoin d’avoir près de lui le Thiago Silva du Milan AC, de sa première saison au PSG ou de la Coupe des Confédérations 2013 gagnée par le Brésil, mais c’est quand même un grand joueur. En outre les milieux du PSG, Motta, Verratti ou Cabaye,et Matuidi ne sont pas ceux du Brésil, totalement inexistants. Du coup David Luiz, à qui Scolari avait confié le brassard de capitaine en demi-finale,  s’est cru obligé d’essayer de jouer les sauveurs, ce qui était impossible face à des formations aussi bien organisées que l’Allemagne et les Pays-Bas.

Oui, décevant de voir tant de gens démolir allègrement deux joueurs qui appartenaient, il y a moins d’un mois encore, au Gotha du football. Cristiano Ronaldo a-t-il réussi sa Coupe du Monde? Réponse : non. Et Messi, comme je l’ai écrit précédemment ? Réponse : non. Si Zidane n’avait pas marqué deux buts en finale en 1998 au Stade de France, sa Coupe du Monde aurait-elle été une réussite? Réponse : non. N’oublions pas qu’il n’a pas été décisif jusqu’en finale, et qu’il fut même expulsé contre l’Arabie Saoudite! Et pourtant c’était Zidane. Platini en 1986 fut, lui aussi, l’ombre de lui-même au Mexique, manquant même son tir au but…et je pourrais continuer ainsi longtemps, y compris en parlant de Di Stefano (qui vient de rejoindre le paradis des footballeurs ces derniers jours), totalement transparent en 1962 au Chili. Bref, je crois que le système médiatique est en train de s’emballer à propos de Thiago Silva et David Luiz, qui ont très mal fini une compétition qui, dans leur pays, devait leur revenir. Problème, il y avait quatre ou cinq autres équipes, voire même plus, dans cette Coupe du Monde, y compris l’Equipe de France, qui avaient davantage de grands joueurs que le Brésil ou qui étaient mieux équilibrées et organisées. Alors, sachons raison garder, et si le PSG récupère Di Maria, comme apparemment ce sera le cas, le club francilien aura une équipe très, très forte. Et, comme l’a dit Courbis, s’il le faut Marquinhos jouera défenseur central et D. Luiz au milieu…où il est tout à fait excellent.

Michel Escatafal