Les surnoms donnés aux sportifs : partie 3 (cyclisme)

Pour terminer ce volet un peu insolite de l’histoire du sport (merci Claude Sudres!), je vais parler cyclisme évidemment, d’autant que c’est le plus caractéristique dans l’histoire des surnoms. Je vais simplement souligner (à défaut de les citer tous) ceux qui me paraissent les plus distinctifs, tellement les coureurs ont été nombreux à se voir attribuer des surnoms, dont certains au demeurant sont carrément ridicules.  Cela dit commençons par ceux des temps héroïques de ce sport avec, à tout seigneur tout honneur, celui du premier vainqueur du Tour de France (1903), Maurice Garin, surnommé le « Petit Ramoneur » parce qu’il a travaillé dans sa jeunesse dans une entreprise de fumisterie.  Un de ses successeurs (1905), Trousselier, sera appelé « Trou-Trou » ou « Trouston ». Autre grande figure de cette époque, même s’il n’a jamais gagné la Grande Boucle, Eugène Christophe, qui fut d’abord appelé « Le vieux Gaulois » en raison de ses moustaches en forme de guidon, puis « Cri-Cri » vers la fin de sa carrière. Enfin, soulignons aussi le cas du Luxembourgeois de Colombes, François Faber, vainqueur du Tour en 1909, qu’on avait surnommé le « Géant de Colombes » en raison de ses mensurations. Un autre vainqueur du Tour (1910), Octave Lapize, dont les cheveux étaient noirs et bouclés, sera surnommé « Le Frisé ». 

A la fin des années 20 et au début des années 30, Marcel Bidot, l’ancien directeur des équipes de France à l’époque des équipes nationales (1953-1961), sera appelé comme coureur « la Mère Poule » en raison de son dévouement comme équipier. Henri Pélissier, vainqueur du Tour en 1923, était appelé « La Ficelle » parce qu’il était long et sec. A la même période Armand Blanchonnet, champion olympique sur route contre-la-montre en 1924, sera surnommé « Le Phénomène » en raison de ses mensurations avantageuses, lesquelles lui ont aussi valu d’être appelé « King Kong ». Le sprinter Lucien Faucheux, triple vainqueur du Grand Prix de Paris à la Cipale, très musculeux, fut surnommé « Le Gros Lulu » puis plus tard « Le Pape de la Cipale ».  Learco Guerra, le grand champion italien (champion du monde en 1931), fut surnommé « La Locomotive humaine » ou « La Locomotive de Mantoue » en raison de sa puissance dans les contre la montre. André Leducq, grand crack des années 30, fut appelé « Dédé » ou « Joyeux Dédé » en raison de sa bonne humeur communicative, qui plaisait tellement à ses nombreuses supportrices.

Antonin Magne, très connu comme champion du monde ou vainqueur du Tour et, plus encore, comme directeur sportif de Poulidor, était « Tonin » pour tout le monde, ou encore « Le Taciturne » et « La Méthode » pour son souci minutieux de l’organisation. Par son élégance naturelle et sa distinction, Charles Pélissier, excellent routier et cyclo-crossman, fut baptisé « Brummel » du nom d’une célèbre marque de tailleur pour hommes. Louis Aimar, remarquable rouleur, très puissant, (plus de 80 kg) devint « Le Colosse » ou « Le Briseur de chaîne ». Le premier des super champions italiens, Gino Bartali*, un des plus grands coureurs de l’histoire, fut appelé à la fois « L’Homme de Fer » pour sa résistance, mais aussi « Gino Le Pieux » pour ses fortes croyances religieuses, avant de devenir « Il Vecchio » en raison de sa longévité. Maurice Archambaud, fantastique rouleur (Grand Prix des Nations en 1932 et recordman de l’heure), fut appelé « Le Nabot » en raison de sa petite taille.

Marcel Kint, champion du monde en 1938 et vainqueur de nombreuses classiques, fut surnommé « L’Aigle Noir ». Raymond Louviot, petit et courageux, fut appelé « Laripette » par les journalistes. Le fameux sprinter Jeff Scherens, fut appelé « Poeske » qui signifie chat en flamand, parce qu’il avait l’art de sauter ses adversaires sur la ligne. Vicente Trueba, le premier des grands grimpeurs espagnols, fut surnommé « la Puce de Torrelavega » en raison de sa petite taille et du nom de son village. Albéric Schotte, double champion du monde et vainqueur du Tour des Flandres, devint « le dernier des Flandriens ». Gerrit Schulte, un des très rares coureurs à avoir battu Coppi en poursuite, fut appelé « Le Fou Pédalant » en raison de ses longues échappées sur la route. Le pistard, champion du monde de vitesse, Van Vliet, était « Le Professeur » pour sa science du sprint et ses lunettes. Un autre sprinter, Louis Gérardin était pour tout le monde « Toto ». René Vietto, grand grimpeur et vedette du Tour dans les années 30 et 40 fut appelé « Le Roi René ».

Bevilacqua, double champion du monde de poursuite et vainqueur de Paris-Roubaix (1951), fut surnommé par les journalistes « Pauvre Bévilacqua », car dans la montée des cols il sollicitait les poussettes en disant : « Poussez le pauvre Bevilacqua, c’est un bon coureur ». Louis Bobet* fut pour tout le monde « Louison », et Louis Caput, routier-sprinter de poche, était « P’tit Louis ». Quant à Robert Chapatte, excellent coureur et futur grand journaliste, il fut affublé du joli surnom de « Chapatte de Velours ». La particule de Jean de Gribaldy, lui valut d’être appelé « Le Vicomte ».  Jean Dotto, vainqueur de la Vuelta 1955, devint  « Le Vigneron de Cabasse », village où était sa maison dans le Var.  Fachleitner, deuxième du Tour 1947, fut « le Berger de Manosque » du nom de la ville où il résidait. Jean Robic, vainqueur du Tour 1947, était appelé « Biquet », puis « Tête de Cuir » à cause de son casque de cuir un peu ridicule, qu’il était le seul à porter. Tout le monde connaît « Le Pédaleur de charme», trouvaille du chansonnier Jacques Grello pour qualifier Hugo Koblet*. L’autre grand champion suisse, Ferdi Kubler*, qui pédalait avec force grognements, fut surnommé « Le Champion Hennissant ».

Autres grandes figures des années 50, Bernard Gauthier et Raphaël Geminiani. Dans un premier temps Bernard Gauthier, super équipier de Louison Bobet, fut appelé « Cœur de Lion », avant d’être surnommé « Monsieur Bordeaux-Paris » suite à ses quatre victoires dans l’épreuve. Quant à Geminiani, sa gouaille et ses réparties l’ont fait surnommer « Grand Fusil ». En revanche, pour avoir porté le maillot jaune en 1949, Jacques Marinelli, coureur de petite taille qui ne faisait pas beaucoup de bruit, avait été surnommé « La Perruche » par Jacques Goddet. Loretto Petrucci, vainqueur de Milan-San Remo en 1952 et 1953 et de Paris-Bruxelles (1953), fut surnommé « Le Météore ». Cela lui allait d’autant mieux qu’il gagna la quasi totalité de ses succès entre 1951 et 1953. L’ancien équipier de Louison Bobet, Antonin Rolland, toujours un peu renfermé, fut surnommé « Tonin le taciturne ». Robert Varnajo, qui finit sa carrière en devenant un spécialiste du demi-fond, Vendéen d’origine, fut évidemment appelé « Le Chouan ». Le pistard Oscar Plattner, champion du monde professionnel de vitesse en 1952, fut désigné comme « Le Macchiavel du Sprint » pour sa manière de piéger ses adversaires. Peu après, on n’oubliera pas les deux supers grimpeurs que furent Bahamontes et Gaul, appelés respectivement « l’Aigle de Tolède » et « l’Ange de la Montagne ». Leur grand rival, Jacques Anquetil*, gagna le titre de « Maître Jacques » pour la multitude de succès remportés durant sa longue carrière. Autre grand rouleur (recordman de l’heure en 1956), Ercole Baldini, fut appelé « La locomotive de Forli ». Enfin Henri Anglade, avec ses attitudes autoritaires, fut surnommé « Napoléon ». Rien que ça !

Un autre grimpeur de poche, Lily Bergaud, fut appelé « La Puce du Cantal ». Carlesi, pour sa ressemblance avec Coppi, devint « Coppino ». Le pistard Roger Gaignard, ancien apprenti clown, y gagna son surnom de « clown ». Quant à Michel Rousseau, champion olympique et du monde de vitesse, ses grosses cuisses lui valurent d’être appelé « Le Costaud de Vaugirard ». Autre athlète du vélo, Raymond Mastrotto, ancien vainqueur du Dauphiné (1962), devint « le taureau de Nay », localité où il était né. René Privat, ancien vainqueur de Milan-San Remo (1960) fut surnommé, « René la Châtaigne », sans doute en raison de son punch. Rostollan, qui faisait le train pour Jacques Anquetil dans les cols, se vit appelé « Pétrolette ».  Rik Van, Looy, seul coureur à avoir gagné toutes les classiques (entre 1956 et 1968), fut baptisé par les journalistes belges « L’Empereur d’Herentals », en référence à la commune où il habitait. Enfin, qui ne se souvient de l’immortel « Poupou » que fut Raymond Poulidor dans les années 60 et 70 ?

Tout cela nous amène aux années 70, où force est de reconnaître que l’imagination fut nettement moins fertile qu’avant. En tout cas  les surnoms donnés respiraient davantage la banalité, même si parfois on retrouvait quelques traits d’humour comme « Le Cannibale » pour Merckx, « Le Chamois des Abruzzes » pour le grimpeur Vito Taccone, ou « Cuore matto » (cœur fou) pour Bitossi, en proie à des problèmes de palpitations cardiaques. Sinon, appeler Zoetemelk « Le Hollandais de France » ou Thévenet « Nanard » apparaît plutôt comme une évidence, ou du déjà vu comme Beat  Breu, le grimpeur suisse, « La Petite Puce de Saint Gall ». On retiendra quand même pour l’histoire, « Le Blaireau » pour Bernard Hinault*,  « Gibus » pour Gilbert Duclos-Lassalle, « Banban » pour Robert Alban, ou « Il Diavolo » pour Claudio Chiapucci », mais aussi « Jeff » pour J.F. Bernard,  « Le Ricain » pour Greg Lemond, premier grand champion américain ou « La Broche » pour Brochard, champion du monde en 1997.  On n’omettra pas non plus « Jaja » pour Laurent Jalabert, « Perro loco » (chien fou) pour le Suisse Zulle, « Le Dromadaire » pour un autre Suisse, Rominger, ou « Il Magnifico » pour le routier-sprinter italien Cippolini, ni « L’extra-terrestre » pour Indurain, vainqueur de cinq Tours de France et deux Tours d’Italie. Luc Leblanc, ancien champion du monde (1994), fut surnommé « Lucho » à cause de son épouse espagnole, le même surnom que le premier grand coureur colombien Luis Herrera. Pantani fut d’abord E.T. à cause de ses oreilles et de son crâne rasé, avant de devenir «Il Pirata » (Le Pirate).

Enfin, plus récemment nous avons été habitué au « Boss » pour Lance Armstrong, à « Vino » pour Vinokourov, à « Gibo » pour Simoni, à «Il piccolo principe » (le Petit prince) pour Damiano Cunego, vainqueur du Giro en 2004 à 23 ans, « Ivan le Terrible » pour Ivan Basso », « Le Requin de Messine » pour son équipier de la Liquigas, Nibali, « Le Cobra » pour Ricco, pour ses attaques tranchantes, « Balaverde » pour Valverde, « Spartacus » pour Cancellara, sans oublier évidemment « El Pistolero », parce qu’après chaque victoire, Alberto Contador*, le grand absent du prochain Tour de France pour une misérable affaire de traces de clembutérol, fait avec sa main un geste comme s’il tirait avec un pistolet. Là aussi, j’ai sans doute oublié nombre de champions, mais sur 250 coureurs au moins qui ont été surnommés, je n’ai retenu que ceux qui me venaient à l’esprit. Je voudrais toutefois en ajouter deux, à savoir Fausto Coppi surnommé « le Campionissmo », parce qu’il fut le plus grand coureur de l’histoire du cyclisme*, à la fois extraordinaire rouleur, fantastique poursuiteur et le meilleur grimpeur qui ait jamais existé. Quant au second, Roger Rivière*,  qui n’avait pas de surnom, je l’ai appelé « Le Voltigeur », pour sa facilité déconcertante dans l’effort, notamment dans l’exercice du contre-la-montre. Aucun autre rouleur, pas même Coppi ou Anquetil, n’était aussi fort que lui sur des distances de moins de 75 kilomètres. C’est pour cela que j’aurais aussi pu l’appeler « Superman », d’autant que sur la piste, en poursuite, il fut le seul à pouvoir se vanter d’être imbattable pendant sa courte carrière.

Michel Escatafal

*un article a été consacré à ces coureurs sur le blog


One Comment on “Les surnoms donnés aux sportifs : partie 3 (cyclisme)”

  1. redtorso dit :

    El Toro fut le surnom du puissant & redouté Arthur De Cabooter Champion Belge des années 50/60 …………


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