Petite chronique d’une saison de Formule 1 finalement assez quelconque

Résultat d’images pour vettel hamilton raikkonen

En écrivant cela j’ai bien conscience que cela ne va pas nécessairement plaire à tout le monde, mais c’est mon sentiment d’amateur de sport automobile. J e dis bien amateur de sport automobile, ce qui signifie que je ne suis en aucun cas un technicien, mais un fan qui se contente de regarder les images qui lui sont proposées, contrairement à nombre de forumeurs sur les sites spécialisés qui critiquent des gens comme Jacques Villeneuve pour ses commentaires. Ces pauvres gens oublient simplement que ledit Villeneuve a remporté en 1995 les 500 miles d’Indianapolis, puis le titre de champion du monde de Formule 1 en 1997, devant Michael Schumacher. Bref, il sait quand même de quoi il parle dans ses commentaires sur Canal+, beaucoup plus que les forumeurs qui ne connaissent souvent de la F1 que les consoles de jeux. Fermons donc cette parenthèse un peu longue, pour revenir au sport, au vrai, et parler de cette saison qui s’est achevée sur une nouvelle victoire de Lewis Hamilton à Abou Dhabi (sa onzième de la saison et sa soixante treizième en carrière F1) devant celui qui a été son principal rival cette année, Sebastian Vettel.

En disant que Vettel fut le principal adversaire d’Hamilton, je voudrais souligner que la véritable adversité du quintuple champion du monde fut en fait la Scuderia Ferrari, laquelle n’a pas su concrétiser sur la piste les réelles qualités de la machine conçue à Maranello. Et quand on dit Ferrari, cela signifie à la fois la direction opérationnelle et les pilotes, plus particulièrement le pilote numéro un, Vettel, d’autant que cette année on peut se poser la question de savoir si Raikkonen n’aurait pas mérité de l’être. En tout cas, il n’a quasiment pas fait d’erreurs, alors que son équipier les a accumulées entre avril et octobre (six au total!). C’est le problème d’avoir un pilote numéro un et un numéro deux, situation dont s’est accommodé Raikkonen pendant plusieurs années, pour la simple raison que celui qu’on appelle « Iceman » a besoin, pour aller très vite, d’avoir une voiture qui lui convient parfaitement, ce qui était en grande partie le cas cette année.

En précisant cela, je montre à quel point je suis objectif, puisque c’est mon pilote préféré. Au passage je me réjouis de le  voir continuer sa carrière deux ans de plus, chez Sauber, où il avait débuté brillamment sa carrière en 2001. En tout cas, il a toujours le niveau parce que depuis Monza et sa pole position, après avoir appris sa non-reconduction chez Ferrari, il a largement fait jeu égal avec Vettel, notamment en course, remportant même une victoire pleine de maîtrise à Austin. Comme si le fait de n’être plus au service de Vettel lui avait redonné les ailes sans lesquelles il est difficile de rivaliser avec les tous meilleurs. A ce propos, le contraste est frappant avec Bottas, lequel s’est littéralement effondré à partir de la mi-saison, après avoir été frustré pour avoir manqué la victoire en Chine à cause de la voiture de sécurité et, plus encore, d’avoir obéi aux consignes pour laisser Hamilton gagner à Sotchi. Dur, vraiment d’être numéro deux!

Mais au fait, pourquoi et comment on devient numéro deux? Réponse, parce qu’il y a un pilote qui s’impose à l’autre. C’est aussi simple que cela, ce qu’il faut toutefois relativiser parce que dans le sport en général, et le sport automobile en particulier, il y a des éléments qui font que tel pilote qui paraît irrésistible à un moment ne l’est plus dans d’autres conditions. Je faisais référence à Raikkonen précédemment à propos de sa vélocité qui dépend en grande partie de la manière dont sa voiture se comporte, notamment sa sensibilité par rapport à l’avant de sa machine. Comme le racontait son ingénieur chez Mac Laren et chez Ferrari en 2014, Pat Fry, « pour tirer le meilleur de Kimi, vous devez avoir la voiture pour le faire ». C’est ce qui fit la différence entre Alonso et lui chez Ferrari en 2014, l’Espagnol ayant mieux su tirer la quintessence de la Ferrari F14T. En clair Alonso s’adapte mieux à une voiture, même mal-née, que Raikkonen. Ce sera aussi le cas pour Vettel…jusqu’à cette année.

Mais Vettel lui-même fut largement dominé en 2014 (débuts du moteur hybride turbocompressé équipé d’un moteur électrique) par Ricciardo chez Red Bull, lequel termina troisième du championnat derrière Hamilton et Rosberg, année qui marqua le début de la domination de Mercedes (tous les titres mondiaux remportés depuis cette date avec quatre sacres pour Hamilton et un pour Rosberg). Est-on sûr pour cela que Ricciardo soit meilleur que Vettel, un raccourci vite fait par nombre d’observateurs et par tous les forumers? Peut-être pas. D’ailleurs Ricciardo lui-même a été globalement dominé par Max Verstappen quand les deux hommes se sont affrontés chez Red Bull, sans oublier que Vergne l’a battu en 2012 chez Toro Rosso. Alors me direz-vous, le meilleur c’est Hamilton avec ses cinq titres mondiaux, comme Fangio, avec des records personnels qui approchent de près ceux stratosphériques de Schumacher, au point de le voir les dépasser d’ici deux ou trois ans? Pas forcément, parce que Button, qui lui-même fut battu par plusieurs équipiers (Fisichella, Trulli), le battit nettement en 2011 (270 points contre 227, avec un seul abandon de différence durant la saison). L’année suivante, les deux hommes firent jeu égal (190 points pour Hamilton et 188 pour Button). Cela dit, qui oserait affirmer aujourd’hui qu’Hamilton n’est pas meilleur que ne l’a été Button? Personne, et pourtant…

Voilà quelques considérations que je voudrais tirer à titre personnel de cette saison de F1, en soulignant que l’histoire est là pour rappeler qu’il est très difficile de décider qui est le meilleur en valeur absolue de nos jours et plus encore depuis les débuts du championnat du monde en 1950. Néanmoins, on écrira que depuis cette date seuls trois pilotes ont toujours dominé leurs coéquipiers, y compris les plus prestigieux : Fangio dans les années 50, Clark dans les années 60 et Senna à la fin des années 80 et au début des années 90. Les plus jeunes diront que c’était il y a longtemps, les plus anciens que ce n’était pas le même sport que de nos jours, ce qui est vrai, mais comme je l’ai toujours dit, les statistiques ne suffisent pas pour désigner un tel ou un autre comme le meilleur, parce que chaque époque à son ou ses superchampions. Pour terminer je dirais à ce propos, que les rallyes ont eux aussi leurs superchampions et, pour une fois, deux Français sont au-dessus des autres depuis une quinzaine d’années, puisqu’ils ont remporté tous les titres mondiaux en WRC depuis 2004 (9 pour Loeb et 6 pour Ogier).

Michel Escatafal


La comparaison entre pilotes n’est pas toujours raisonnable

Juan-Manuel-Fangio-MercedesMercedes 2016Cet après-midi, nous avons assisté au grand prix de Russie de Formule 1 (victoire de Rosberg devant Hamilton et Raikkonen), qui est déjà le quatrième de la saison, avec une hiérarchie qui se dessine de plus en plus nettement, à savoir que Mercedes reste intouchable pour la concurrence, y compris celle que représente Ferrari. La Scuderia, en effet, rencontre trop de problèmes, à commencer par la fiabilité, pour réellement concurrencer les voitures grises, qui dominent depuis trois ans, autant qu’elles ont dominé en 1954 et 1955. Et même peut-être encore plus qu’à cette époque, puisqu’en 1955 l’écurie Mercedes disposait, avec Fangio et Moss, des deux meilleurs pilotes du plateau, surtout depuis la mort en mai d’Alberto Ascari. Aujourd’hui je ne suis pas certain que ce soit le cas avec le duo Hamilton-Rosberg. Cela dit, Rosberg est quand même un excellent pilote…qui sera sans doute champion du monde cette année, surtout avec l’avance conséquente qu’il a déjà prise au championnat du monde (il totalise 100 points contre 57 à Hamilton et 43 à Raikkonen), ayant remporté toutes les courses disputées depuis le premier grand prix en Australie.

On me rétorquera que les comparaisons entre pilotes ne sont pas nécessairement pertinentes à travers le temps, les voitures d’aujourd’hui n’ayant strictement rien à avoir avec les anciennes, où le rôle du pilote était assurément plus important que de nos jours. D’ailleurs j’imagine aisément qu’Alonso à la place de Rosberg ferait au moins aussi bien que lui, tout comme Vettel, tout comme Ricciardo, Bottas où même Verstappen. J’y ajouterai Massa et Kimi Raikkonen, même si le Kimi 2016 n’est plus le Kimi du début des années 2000, mais il reste très fort en course, ce qu’il a démontré encore cet après-midi. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est toujours chez Ferrari pour épauler Vettel, et, s’il continue à accumuler les podiums, il y sera encore en 2017, d’autant que les pilotes susceptibles de le remplacer ne seront pas sur le marché (Ricciardo et Verstappen étant liés à Red Bull). Reste à savoir ce que fera en fin de saison Hamilton, ce dernier en ayant peut-être assez d’accumuler les pépins sur sa Mercedes, ce qui pourrait changer la donne. Nous n’en sommes pas là, puisqu’il reste 17 grands prix à disputer.

Et puisque je parle d’Hamilton, je viens de découvrir (dans Sport 24) un classement des meilleurs pilotes de F1 (1950-2014), selon l’Université de Sheffield, très différent de celui que nous pourrions objectivement imaginer, avec la présence incongrue dans cette liste des Brésiliens Nelson Piquet et Emerson Fittipaldi, qui plus est devant Michael Schumacher. Voici les résultats de cette étude, avec le nombre de titres engrangés par chacun de ces pilotes :

1.Juan Manuel Fangio (ARG), 5 titres mondiaux

2.Alain Prost (FRA), 4 titres

3. Fernando Alonso (ESP), 2 titres

4. Jim Clark (GBR), 2 titres

5. Ayrton Senna (BRA), 3 titres

6. Jackie Stewart (GBR), 3 titres

7. Nelson Piquet (BRA), 3 titres

8. Emerson Fittipaldi (BRA), 2 titres

9. Michael Schumacher (GER), 7 titres

10. Sebastian Vettel (GER), 4 titres

11. Lewis Hamilton (GBR), 2 titres (3 aujourd’hui)

Désolé, mais je préfère de beaucoup mon propre classement, lequel se base sur des données beaucoup plus objectives, permettant de faire la part plus belle à des observations indiscutables, notamment en se basant sur la concurrence, sur les voitures dont ont disposé les pilotes, et sur des appréciations des grands champions eux-mêmes. Pour mémoire je rappellerai les titres des articles que j’avais écrit sur ce site le 30 novembre 2011 ( Peut-on désigner le meilleur pilote de l’histoire de la F1?) et le 27 mars 2011 (Quel est le meilleur pilote de l’histoire de la F1?) où je rappelais aussi combien il est difficile de comparer les pilotes de générations différentes. Cela étant ma petite étude m’avait permis de donner un classement très différent de celui-ci-dessus, à savoir :

1.Juan Manuel Fangio

2.Ayrton Senna

3.Jim Clark

4.Jackie Stewart

5.Alain Prost

6.Michael Schumacher

Ensuite en continuant, je mettrais dans l’ordre :

7.Alonso

8.Ascari

9.Hamilton

10.Lauda

11.Brabham

Certains vont me faire remarquer que je fais la part belle aux champions historiques, et peut-être pas assez aux pilotes du nouveau siècle. Mais, comme je le rappelais précédemment, qui peut affirmer que la part du pilote est aujourd’hui aussi prépondérante qu’entre 1950 et 1990 ? Personne évidemment, à part les internautes intervenant sur les forums et nés en 1990 et après. En outre, nombre de pilotes des années 1950, 60 ou 70 sont morts très tôt, ou ont arrêté la compétition après un titre mondial, parfois après n’avoir disputé que quelques grands prix, ce qui évidemment empêche de faire des comparaisons inter générations. En écrivant cela je pense à Mike Hawthorn, champion du monde en 1958, sans doute le plus proche rival de Fangio et Moss, qui se retira après son titre mondial, à l’âge de 29 ans. Je pense aussi à Wolfgang Von Trips, qui aurait dû être champion du monde en 1961, s’il n’avait perdu la vie le 10 septembre 1961 à Monza, dans un accident où il était impliqué avec Clark, qui provoqua le décès de 14 personnes. Je pense encore à Jochen Rindt, pilote hyperdoué, en qui tout le monde voyait le successeur de Jim Clark, non seulement chez Lotus, mais comme maître de la discipline, et qui a toujours été considéré comme un pilote fantastique. La preuve, après avoir dominé autant que faire se peut la Formule 2, la première fois dans sa carrière où il disposa d’une Formule 1 réellement compétitive et assez fiable, il fut champion du monde alors que 4 manches restaient à disputer. Il sera même un cas heureusement unique dans l’histoire du championnat du monde, puisqu’il sera sacré à titre posthume, sa femme Nina, à qui il avait promis d’abandonner la compétition dès que son titre mondial serait acquis, allant chercher pour lui son trophée au siège de la Fédération internationale, suite à son accident mortel le 5 septembre 1970, sa fragile (trop sans doute) Lotus s’encastrant dans les rails de la « Parabolique » sur le circuit de Monza.

Autre pilote décédé trop tôt, Gilles Villeneuve (père de Jacques), qui a écrit quelques unes des plus belles pages de l’histoire de la discipline, sans oublier son coéquipier et rival chez Ferrari, Didier Pironi, les deux hommes se disputant farouchement le titre mondial en 1982, au point que nombre d’observateurs attribuent la mort de Villeneuve à l’inimitié qu’il avait à l’égard de Pironi, depuis le Grand prix de San Marin, où ils s’étaient livrés à un duel épique, dont Pironi sortit vainqueur. Pironi aurait dû être champion du monde cette année-là, puisque Keke Rosberg (père de Nico) ne le dépassa que tout à la fin du championnat, alors que Pironi, accidenté lors des essais du Grand prix d’Allemagne, n’avait pas pu disputer les cinq derniers grands prix.

Enfin, ne pas oublier parmi les pilotes qui mériteraient de figurer parmi les meilleurs, le Finlandais Mika Hakkinen, double champion du monde en 1998 et 1999, considéré à ce moment comme le seul véritable rival de Michael Schumacher. Il mit très longtemps avant de remporter son premier grand prix (six ans), faute de disposer d’une bonne monture, avant d’exploser en 1998, avec 8 victoires à son actif chez Mac Laren. En tout il remportera 20 victoires (26 pole position), ce qui situe l’étendue de son talent. Et Vettel, me direz-vous, le quadruple champion du monde, et roi des années 2010 à 2013 ? Lui aussi figure parmi les meilleurs pilotes du nouveau siècle, même s’il a eu des difficultés en 2014 face à son coéquipier chez Red Bull, Daniel Ricciardo. Il est vrai que le passage du V8 atmosphérique de 2.4 l au profit du V6 turbo 1.6 l hybride a déboussolé beaucoup du monde, et pas que les pilotes…les fans ne s’y retrouvant plus du tout non plus.

En résumé, je redis encore une fois la difficulté de comparer les pilotes de diverses générations, car les courses et les voitures sont très différentes d’une époque à une autre. Il y a aussi les évolutions technologiques qui prennent une place très importante, sans parler du rôle des ingénieurs, avec lesquels les pilotes se sentent plus ou moins à l’aise. Raikkonen, par exemple, aurait un palmarès encore plus fourni s’il avait toujours travaillé avec Allison. En fait, la Formule1 recèle en elle tellement de complexités, qu’elle rend presque impossible de faire un classement des meilleurs dans l’histoire, mais ce n’est pas pour cela que l’on va y renoncer.

Michel Escatafal


Senna était déjà un demi-dieu avant sa mort

Ayrton SennaAlors que la Formule 1 semble avoir quelques difficultés à faire sa mue, comme en témoignent celles qu’elle rencontre depuis le début de la saison avec le changement de règlement, notamment en termes d’audience et de visibilité, nous ne pouvons pas nous empêcher de penser à ce tristement célèbre 1er mai 1994, où disparut un demi-dieu, à peine âgé de 34 ans, et qui avait déjà atteint le statut de divinité bien avant sa mort. Ce demi-dieu s’appelle Ayrton Senna, et si j’emploie à dessein le présent, c’est tout simplement parce que ces personnages, mortels à l’origine, ont pris tellement d’importance dans l’imaginaire des gens, qu’ils sont presque devenus des dieux, donc immortels par nature, du moins tant qu’ils ont des fidèles.

Et oui, vingt ans déjà qu’Ayrton Senna a quitté les circuits victime des aléas de la course et de sa passion, ce qui signifie que nombre de fans de Formule 1 ne l’ont jamais vu courir. Et pourtant, tous ceux qui s’intéressent à la course automobile connaissent son nom, à défaut d’avoir vu ses exploits. Pour certains, ces exploits c’était il y a déjà très longtemps, pour d’autres c’était hier, mais une chose est sûre : Ayrton Senna n’aura jamais été vieux à l’image de tous ces héros du sport automobile qui sont tombés sur leur champ d’honneur. D’autres avant lui, figurant parmi les plus grands champions de leur discipline, ont connu cette horreur, notamment Alberto Ascari, Jim Clark, Gilles Villeneuve, sans oublier un Français très doué du nom de François Cevert, qui aurait pu être le premier champion du monde français, d’autant qu’il était le coéquipier d’un monstre sacré, Jacky Stewart, lequel allait prendre sa retraite peu de temps après. Si j’ai cité ces quelques noms, j’aurais hélas pu en citer beaucoup d’autres, c’est parce qu’Ayrton Senna da Silva appartenait à une catégorie à part parmi les pilotes de Formule1, celle des très grands champions. Beaucoup disent même qu’il fut avec Fangio et Clark, le plus grand de tous, et sans doute le plus doué.

Et si les gens disent cela, c’est parce qu’il a toujours été considéré comme un surdoué pour les engins à quatre roues, qu’il s’agisse du kart ou des différentes voitures qu’il a eues dans les mains. Il est simplement dommage qu’il n’ait pas vécu quelques années de plus, car je suis persuadé qu’il aurait pu, comme Graham Hill, être champion du monde F1, gagner les 500 miles d’Indianapolis, et un peu plus tard les 24 Heures du Mans. Hélas le destin allait se montrer cruel avec lui, après que Dame Nature lui ait offert tous les talents que puisse recevoir un pilote. Mais avant de parler de sa mort, il faut surtout parler de sa vie, une vie très courte mais ô combien intense, où la réussite ne pouvait que s’offrir à lui tellement il faisait des efforts pour qu’il en fût ainsi.

Déjà, il fallait un certain courage pour quitter le cocon familial au Brésil et s’installer en Grande-Bretagne, pour courir en formule Ford 1600 en 1981, passage obligé estimait-il pour attirer les regards des grandes écuries. Il est vrai que la Grande-Bretagne fut de tout temps la patrie de la Formule 1, et à ce propos ce n’est pas pour rien que le premier grand prix de F1 ait eu lieu à Silverstone le 13 mai 1950. Fermons la parenthèse pour noter que les résultats ne se firent pas attendre pour Ayrton Senna, puisqu’il ne lui fallut que trois courses pour remporter sa première victoire. Ensuite il gagna les titres britannique et européen de Formule Ford 2000 et, en 1983, le championnat britannique de Formule3. Cette victoire dans ce championnat réputé lui permit de commencer à réaliser son rêve, piloter une Formule1, en participant à des tests dans les deux grosses écuries britanniques de l’époque, Mac Laren et Williams, lesquelles quelques années plus tard allaient l’arracher à la concurrence des autres grandes écuries.

Je dis plus tard, parce que si Senna avait fait la preuve de ses capacités au cours de ces tests, il ne fut pas retenu par ces deux équipes. Il est vrai qu’elles  étaient déjà bien pourvues en pilotes de talent puisque le tandem de Mac Laren était formé de Lauda et Prost, et celui de Williams de Rosberg et Laffite. Cependant  ses prestations furent remarquées, et il trouva une place dans une petite écurie, Toleman, tremplin idéal pour montrer son talent. Et de fait il le montra tellement bien qu’il fut volé de la victoire au grand prix de Monaco 1984, les organisateurs arrêtant la course au moment où il allait prendre la tête, devant Prost, tellement la pluie tombait drue. Quand je dis que la victoire lui fut volée c’est l’exacte vérité.

Certes chacun sait qu’il est extrêmement difficile de conduire une Formule 1 sous un véritable déluge, mais la course fut interrompue au moment où Senna allait avaler Alain Prost lui-même, à qui le prodige brésilien reprenait cinq secondes au tour. Sa démonstration fut d’ailleurs éblouissante durant toute la course puisque, parti en neuvième position, il se retrouvait en deuxième position après 19 tours, le dernier à céder sous ses assauts étant le futur champion du monde Niki Lauda. A ce moment Senna comptait trente quatre secondes de retard sur Prost qui menait la course. Mais treize tours plus tard il n’y en avait plus que quatre, et c’est à ce moment que Jacky Ickx, directeur de la course, brandit le drapeau à damier pour signifier l’arrêt de la course. Bien entendu une telle prestation avait frappé les esprits, d’autant que Senna avait réalisé le meilleur tour sur sa modeste Toleman. En fait une nouvelle étoile était née, qui allait très vite se révéler plus brillante que toutes les autres, surtout dès que les conditions devenaient plus difficiles.

L’année suivante, au volant d’une Lotus, Senna allait remporter sa première victoire…sous la pluie évidemment. Ensuite il l’emporta en Belgique, sur le mythique circuit de Spa Francorchamp, et termina quatrième du championnat du monde. Il récidiva en 1986, ajoutant deux nouvelles victoires à son jeune palmarès. En 1987, il l’emporta de nouveau à deux reprises et se classa troisième du championnat. C’est le moment qu’il choisit pour rejoindre Mac Laren et un certain Alain Prost, considéré à ce moment comme l’incontestable numéro un dans les paddocks. Pour un challenge, c’en était un, ce qui mit fin aux critiques qu’on lui avait adressées parce qu’il avait refusé précédemment l’arrivée dans son écurie de Derek Warwick. En fait Senna n’a jamais eu peur de Warwick, mais craignait que l’écurie Lotus qui n’était ni Mac Laren , ni Williams, ni Ferrari, ne se dispersât.

Chez Mac Laren, il donna toute sa mesure, et finit par s’imposer au championnat du monde 1988, avec huit victoires contre sept à Prost. L’année suivante ce dernier prendra sa revanche au championnat bien que Senna se fût imposé six fois contre quatre à son rival, auquel il faut ajouter treize poles position sur seize grands prix. Ensuite, en 1990, le duel entre les deux hommes se poursuivit mais dans deux écuries différentes, ce qui ne les empêcha pas d’écraser la concurrence et leurs coéquipiers respectifs, Berger pour Senna et Mansell pour Prost. Le duel entre les deux hommes atteignit sans doute son paroxysme cette année-là, avec deux machines très proches l’une de l’autre, duel qui se termina en 1990 par un accrochage resté célèbre lors du grand prix du Japon, à l’endroit même où ils s’étaient accrochés en 1989. Les deux fois cet accrochage laissa les deux hommes sur le carreau, Prost devenant champion du monde en 1989, et Senna en 1990.

Senna sera de nouveau champion du monde en 1991, toujours sur Mac Laren, mais pas devant Prost, le Français et son jeune coéquipier Alesi n’ayant pas une monture à la hauteur de leurs ambitions. Ce fut aussi le cas de Senna en 1992 de ne pas disposer d’une machine pour gagner, se contentant cette année-là d’une pole position et de trois victoires, avec une place de quatrième au championnat du monde. En 1993, la Mac Laren n’avait pas retrouvé la superbe qu’elle avait affichée entre 1988 et 1991, et Senna se retrouva en nette infériorité par rapport à Prost, qui après avoir pris une année sabbatique en 1992, avait signé chez Williams-Renault pour ce qui sera sa dernière saison. Ayrton Senna aura beau réussir des miracles, notamment à Donington sous une pluie battante, où il signa un premier tour d’anthologie, il devra se contenter de la deuxième place au championnat du monde.

A ce moment on évoqua la possibilité de voir Prost et Senna réunis de nouveau dans la même écurie, mais les cicatrices de la cohabitation difficile de 1989 n’étaient pas refermées, et Prost, à près de quarante ans, ne voulait pas de nouveau avoir à affronter un rival au sommet de sa forme. Prost arrêta la compétition en Formule1, et tout naturellement Senna prit sa place. Mais la Williams de 1994 était loin de valoir celle de l’année précédente, et Senna ne se sentait pas à l’aise dans sa machine. Certes, cela ne l’empêcha pas de réussir deux poles position au cours des trois courses dont il prit le départ, mais la Williams-Renault  n’était vraiment pas souveraine. Résultat, Senna abandonna au Brésil, laissant la victoire à Schumacher qui l’avait dépassé dans les stands. En plus il fut malchanceux au Japon, lors du deuxième grand prix, Senna se faisant accrocher par Hakkinen.

Enfin arriva le grand prix de San Marin fatal où, après avoir fait la pole position, et à l’issue du second départ donné suite à un accrochage sur la grille entre Lehto et Lamy, Senna en tête de la course perdit le contrôle de sa Williams dans la courbe de Tamburello, et s’écrasa contre un mur à plus de 200 km/h. C’était la triste fin d’un pilote véritablement exceptionnel, qui se croyait parfois immortel, tellement il savait flirter avec  les limites humaines, comme aux essais officiels à Monaco en 1989. Heureusement pour Ayrton Senna, la postérité retiendra qu’il perdit la vie sur un circuit en étant à la seule place qui comptait pour lui, la première. En tout cas ce week-end fut un des plus dramatiques qu’ait connu le sport automobile avec la mort d’une icône de la F1, et celle d’un jeune Autrichien inconnu, Ratzenberger, qui se crasha aux essais à plus de 300 km/h.

Un dernier mot enfin pour dire qu’Ayrton Senna n’était pas un ange, comme en témoignent son accrochage volontaire avec Prost au Japon en 1990, son face à face avec Mansell au grand prix du Portugal en 1989, qui se termina dans la poussière hors de la piste pour les deux hommes, ou encore un an plus tôt  à Estoril, quand Prost essayant de récupérer la première place fut contraint de raser le mur ( à peine une quinzaine de centimètre si l’on en croit Prost) pendant plusieurs centaines de mètres interminables, épisode qui laissa pantois Capelli qui suivait les deux fauves en se demandant ce qui allait arriver. Mais il n’était pas non plus une bête, un monstre froid comme ses contempteurs se plaisaient à le décrire. C’était un fils délicat et correct, un frère attentionné, un bon parrain pour son neveu qu’il adorait, un bon camarade aussi dès qu’il était sorti du cockpit de sa voiture.

Tout le monde a en mémoire le fameux « Alain tu nous manques à tous » qu’il avait adressé à Prost qui commentait pour TF1, au cours d’un reportage en caméra embarquée sur un tour du circuit d’Imola, deux jours avant sa mort. Pour quelqu’un comme moi, qui aime l’histoire, Senna me faisait penser à l’Empereur Titus, dont on dit qu’il fut le plus fortuné des souverains, parce qu’il mourut avant d’avoir le temps de commettre des erreurs, la postérité ne retenant que son sentiment de l’honneur et sa générosité. D’autres diront, comme le directeur d’Honda à l’époque, que pour les ingénieurs de la marque japonaise, Senna symbolisait pour eux le samouraï, alors que Prost était plutôt l’ordinateur. Prost-Senna, Senna-Prost, que de belles années ces deux-là nous ont fait vivre ! Et si c’était avec Coppi-Bartali le plus beau duel que le sport nous ait offert depuis le début du vingtième siècle ?

Michel Escatafal


1964-2014 : Le sport a bien changé en 50 ans!

soeurs GoitschelEn présentant mes vœux à mes fidèles lecteurs, je voudrais évoquer brièvement le sport il y a 50 ans. Que de progrès en termes de performances, avec il est vrai l’amélioration du matériel, de l’entraînement, de la médecine…et hélas de la pharmacopée liée au dopage, un phénomène qui a existé de tout temps, ce que certains semblent oublier. Alors que s’est-il passé, entre autres évènements en cette année 1964, en sachant déjà que nous sommes dans un contexte très différent, sur le plan géopolitique au  niveau mondial. L’année l 964, en effet, fut la première véritable année olympique de l’époque post- coloniale, avec notamment le véritable envol du sport africain, lequel allait devenir roi dans certaines disciplines de l’athlétisme (fond et demi-fond).

Cela dit, l’année 1964 aura d’abord été marqué par les Jeux Olympiques de Tokyo, avec l’extraordinaire athlète que fut Bob Hayes (10s au 100m), sans doute un des deux ou trois plus grands sprinters de l’histoire, sorte d’Usain Bolt de son époque, même s’il s’est contenté de courir sur 100m. Il faut toutefois noter qu’à cette époque les athlètes n’étaient pas des professionnels, et que leur entraînement ne leur permettait pas nécessairement d’avoir le fond suffisant pour doubler 100 et 200m. Néanmoins, le peu de compétitions qu’a fait Bob Hayes sur 200m fut suffisant pour savoir qu’il aurait pu facilement doubler aux J.O. s’il l’avait réellement voulu. Pour nous Français, 1964 fut une année olympique horrible puisque l’idole nationale que fut Michel Jazy, fut battu sur 5000m, alors qu’il était le plus fort. Mais à cette époque, les Français souffraient d’un mal aujourd’hui en partie disparu, la peur de gagner ou de perdre.

L’année 1964 fut aussi celle d’un des plus grands duels que le sport en général et le cyclisme en particulier aient connu, à savoir la lutte pour la suprématie mondiale entre Anquetil et Poulidor, laquelle atteignit son paroxysme sur la montée du Puy de Dôme dans le Tour de France.  Une montée où l’Espagnol Jimenez prouva qu’il était un grimpeur exceptionnel en distançant (11 secondes) son compatriote Bahamontes, mais où l’essentiel de la bagarre, dont on parle encore cinquante plus tard, se situait un peu plus bas entre Anquetil et Poulidor. Un mano a mano extraordinaire entre les deux meilleurs coureurs de l’époque, qui tourna à l’avantage de Poulidor, pour une fois, mais sans pour cela pouvoir assurer sa victoire dans le Tour de France. Poulidor pouvait-il faire mieux ? Peut-être, mais les deux champions ont chacun affirmé plus tard qu’ils avaient été au paroxysme de l’effort, ce qui signifie que si Poulidor n’a pas lâché Anquetil plus tôt c’est parce qu’il en était incapable. Verra-t-on un duel de cette intensité cette année entre Contador et Froome ? Pourquoi pas !

1964 fut aussi une année riche en péripétie en ce qui concerne la Formule1, le titre mondial se décidant lors du dernier grand prix, le titre changeant de main à quatre reprises lors du Grand Prix du Mexique. Ce fut d’abord Graham Hill (BRM) qui fut virtuel champion du monde, en se maintenant en troisième position, ce qui était suffisant pour devenir champion du monde une nouvelle fois. Hélas pour lui, il fut percuté par Bandini sur Ferrari, ce qui fit beaucoup de bruit par la suite dans la mesure où Bandini était l’équipier de Surtees, lui aussi candidat au titre. Cela étant, cette collision entre Hill et Bandini profitait à Jim Clark, sauf que le fantastique pilote écossais fut victime d’une fuite d’huile à deux tours du drapeau à damiers…ce qui redonnait le titre à Graham Hill. Mais c’était sans compter sur les consignes d’équipe, puisque Bandini, qui occupait la deuxième place de la course, laissait passer Surtees dans le dernier tour, et lui offrait le titre sur un plateau avec un point d’avance sur Hill. Quel final ! Au passage on notera que John Surtees restera pour la postérité le premier, et peut-être le seul, à avoir été champion du monde sur deux et quatre roues (350cm3, 500 cm3 et Formule 1). Fermons la parenthèse, pour dire que cette année la Scuderia Ferrari, avec son duo de feu Alonso-Raikkonen, pourrait bien retrouver un titre mondial pilotes qui la fuit depuis 2007…avec Raikkonen.

1964 fut aussi une année riche en rugby, avec le Bouclier de Brennus (on ne parlait pas de Top 14 à cette époque) remporté par la Section paloise de François Moncla, mais aussi de J.P. Saux, Jean Capdouze et Jean Piqué, face à l’AS Béziers de Danos, Gensane et Dedieu. Une chose est sûre : en 2014, ces deux équipes, aujourd’hui en Pro D2, ne décrocheront pas un nouveau titre de champion de France. Le rugby professionnel est passé par là, même si le Castres Olympique a prouvé qu’on pouvait jouer dans la cour des grands sans être le club d’une grande ville. Mais pour combien de temps ? Quant à l’équipe de France, elle ne termina le Tournoi des Cinq Nations qu’à une décevante troisième place, derrière l’Ecosse et Galles,  ne remportant qu’un seul match. Résultat très décevant, j’insiste, d’autant que les Français avaient réussi à faire match nul contre les Gallois à Cardiff, mais aussi parce que dans cette équipe il y avait des joueurs comme Claude Lacaze, Gachassin les frères Boniface, Crauste, Herrero, Dauga ou Gruarin. Que du beau monde auquel il faut ajouter Pierre Albaladejo, qui a achevé après le Tournoi sa carrière internationale à Springs contre l’Afrique du Sud par une courte défaite (6-8). Que feront les Français cette année dans le Tournoi ? Difficile à dire, tellement notre équipe joue un jeu sans réelle ambition, face à des Anglais et des Gallois qui paraissent supérieurs à notre équipe.

Et le football me direz-vous? Peu de chose à souligner sinon que nous étions vraiment, en 1964, au creux de la vague à cette époque. Malgré tout notre équipe nationale avec des joueurs comme Aubour et Pierre Bernard dans les buts, Chorda, Arlesa, Djorkaeff (père de Youri) et Bosquier comme défenseurs, Bonnel, Herbin, Muller et Ferrier au milieu et Lech, Combin, Di Nallo et Rambert comme attaquants, allait préserver l’essentiel dans les matches de qualification pour la Coupe du Monde en Angleterre. En outre, après des années de disette depuis la finale de la Coupe d’Europe 1959 avec le grand Stade de Reims, une équipe française, l’Olympique Lyonnais, allait briller dans feu la Coupe des Coupes, en arrivant jusqu’en demi-finale, battu en match d’appui par le Sporting du Portugal…qui aurait été éliminé si le règlement du but à l’extérieur comptant double avait existé (0-0 à Lyon et 1-1 à Lisbonne). Que sera l’année 2014 pour le football français ? Peut-être glorieuse, avec le PSG devenu depuis l’an passé un grand d’Europe, et qui figure parmi les outsiders de la Ligue des Champions. Ou encore avec l’Equipe de France, capable du meilleur comme du pire, et dont personne ne s’aventurerait à prédire quoi que ce soit pour la Coupe du Monde au Brésil. Néanmoins, il manque à cette équipe, ce qu’elle avait en 1958 (avec Kopa et Fontaine), en 1982 et 1986 (avec Platini, Giresse, Tigana), en 1998 (Zidane) ou en 2006 (Zidane encore et Henry), à savoir le ou les joueurs capables à tout moment de faire la différence, comme un Messi pour l’Argentine, un Neymar pour le Brésil ou un C. Ronaldo pour le Portugal.

Reste enfin à parler des Jeux Olympiques d’hiver en 1964 à Insbruck en Autriche, où la France avait remporté trois médailles d’or dont deux grâce aux sœurs Goitschel, Christine enlevant le slalom devant sa sœur Marielle, celle-ci prenant sa revanche devant Christine, un double doublé fraternel unique à ce jour. Quant à la troisième médaille d’or elle fut l’œuvre d’un autre très grand skieur, François Bonlieu, qui trouvait là l’occasion de couronner une carrière qui avait commencé dix ans plus tôt par une médaille d’argent aux championnats du monde à Are, alors qu’il avait tout juste dix-sept ans. Cette année, hélas, je crains que la moisson soit inférieure en ski à Sotchi, d’autant que nos deux meilleures chances chez les féminines (Tésa Worley et Marion Rolland) sont blessées. En revanche, nous sommes plus forts qu’à l’époque en ski nordique (Lamy-Chappuis, Fourcade). Nous verrons bien, mais ne soyons pas trop optimistes, même si de bonnes surprises peuvent nous attendre en patinage artistique (Nathalie Péchalat-Bourzat, Ciprès-Vanessa James et pourquoi pas Amodio).

Tout cela pour dire que les amateurs de sport auront de nombreuses occasions de vibrer en cette année 2014, comme ce fut le cas en 1964. Le sport français est-il plus fort qu’à cette époque ? Difficile à dire, même s’il semble que oui sur un plan global. Néanmoins il nous manque par exemple un vainqueur de tournoi du grand chelem en tennis chez les hommes (le dernier étant Noah en 1984), un vainqueur du Tour de France en cyclisme (le dernier est Hinault en 1985), un champion du monde de Formule 1 (le dernier est Prost en 1993) etc. En attendant je vous souhaite à tous mes meilleurs vœux de bonne et heureuse année 2014, avec beaucoup de succès sportifs pour nos Français (équipes nationales, mais aussi Camille Muffat, Baugé, Pervis, Agnel, Mekhissi, et le PSG etc).

Michel Escatafal


Vettel moins dominateur en 2014? Peut-être, heureusement !

senna prostSur le site web de Sport 365, j’ai vu un sondage qui posait la question de savoir si la domination de Vettel sur le monde de la Formule 1 était mauvaise pour la F1, et le résultat à l’heure où j’écris est OUI à 75%. Rien d’étonnant à cela, puisque Lewis Hamilton a dit que les « fans s’endorment » en raison de cette domination outrageante du pilote allemand, ce qui était un peu le cas autrefois à l’époque de Schumacher.  Cela dit, on aurait tort d’imputer à Vettel ce désenchantement qui touche nombre d’amateurs de F1, parce que pour moi les fautifs sont plutôt ses patrons de Red Bull. Ce n’est pas la première fois en effet qu’une voiture domine outrageusement la concurrence en F1. Au contraire même, c’est souvent le cas, et l’histoire est là pour en témoigner. En revanche, si cette suprématie s’exerce au seul profit d’un pilote, cela devient plus ennuyeux. C’est le cas de nos jours avec Vettel, comme ce fut le cas chez Ferrari à l’époque de Schumacher, ce qui contribue évidemment à améliorer les statistiques hallucinantes de l’un comme de l’autre dans la décennie précédente, mais enlève beaucoup d’intérêt à la course, puisque s’il y a bagarre celle-ci a lieu pour les places d’honneur.

C’est la raison pour laquelle j’ai regretté que pour remplacer Webber, qui abandonne la F1, les patrons de l’écurie Red Bull aient porté leur choix sur un pilote comme Ricciardo, alors qu’ils avaient la possibilité de prendre un pilote beaucoup plus expérimenté. On a parlé longtemps de Raikkonen, ce qui aurait fait l’unanimité chez les fans de la discipline, mais apparemment chez Red Bull on a eu peur que mettre deux pilotes de ce calibre pose plus de problèmes que d’avantages tangibles. Dommage ! Ce l’est d’autant plus que Ferrari, renouant avec une tradition ancienne, a décidé d’associer Alonso et Raikkonen, c’est-à-dire deux des quatre meilleurs pilotes du plateau. Bravo à la Scuderia, et carton jaune à Red Bull, sachant que Ricciardo ne sera pas un vrai concurrent pour Vettel la saison prochaine…ce qui pourrait nuire de nouveau à la Formule 1, si Newey construit en 2014 une machine invincible. Espérons que Ferrari, Mercedes, Mac Laren ou d’autres sachent fabriquer la voiture susceptible de contrecarrer les desseins de Red Bull. Après tout, avec un nouveau moteur, tout est possible, même si Red Bull sera quand même l’équipe favorite l’an prochain.

Si j’ai donné un carton jaune au recrutement de Red Bull, c’est parce qu’en cas de domination excessive d’une équipe, il faut au moins pour assurer le spectacle deux pilotes d’un calibre supérieur. Dans ce cas, c’est toujours ou presque la même voiture qui gagne, mais il y a de beaux duels en course, qui font oublier cette suprématie et qui permettent de vibrer d’enthousiasme à chaque grand prix. Ce fut le cas à l’époque de Fangio-Moss chez Mercedes au milieu des années 50 (1954), comme ce fut aussi le cas avec Prost-Lauda chez Mac Laren au milieu des années 80 (1984 et 1985), ou encore et plus que tout lors des fameux duels entre Prost et Senna, toujours chez Mac Laren quelques années plus tard (1988-1989). En revanche les duos Clark-Hill chez Lotus en 1967 ou encore Prost-Mansell chez Ferrari en 1990, ne tinrent pas leurs promesses, mais cette fois les patrons d’écurie n’y étaient pour rien, car Clark et Prost étaient trop forts pour leur équipier, même si Graham Hill et Mansell étaient ou allaient être champions du monde. Ce sera la même chose en 1986 chez Mac Laren avec Prost, encore lui, et Keke Rosberg qui fut champion en 1982, Prost finissant champion du monde cette année-là, alors que Rosberg terminait le championnat avec 50 points de retard. Cela étant, il faut noter qu’en 1967, comme en 1986, Clark et Prost étaient loin de posséder la meilleure voiture, contrairement aux saisons 1955, 1984 et 1985 ou 1988 et 1989.

Bref, ce qui rend la Formule 1 intéressante, c’est la lutte pour être le meilleur et là Red Bull a tout faux et aura tout faux l’an prochain si la firme autrichienne continue de gagner , alors que si Ferrari domine la situation, il est certain qu’Alonso et Raikkonen feront le spectacle, comme ce sera aussi le cas si c’est Mercedes avec Hamilton et Rosberg. Il est d’ailleurs symptomatique de noter que les trois teams qui mènent le championnat constructeurs aujourd’hui, ont une stratégie opposée pour l’an prochain avec la nouvelle règlementation, Red Bull ayant décidé une fois pour toutes de tout miser sur un seul pilote, au risque de « se planter », alors que ses deux concurrents font confiance à des duos expérimentés pour aider au développement de la voiture, laquelle sera propulsée par un V6 turbocompressé. Et ce changement technique pourrait bien avoir plus de conséquences qu’on l’imagine, même si les ingénieurs de ces équipes sont tous très bons.

Toutefois, rien n’est écrit d’avance. Ainsi, en 1961, l’apparition d’un nouveau moteur de 1500 centimètres cube changea complètement la donne par rapport à l’année précédente. En 1960, ce fut Jack Brabham qui s’imposa au championnat du monde avec (43 points), devant son équipier Bruce Mac Laren (34 points), les deux pilotant une Cooper-Climax avec un moteur de 2500 centimètres cubes. Mais en 1961, ce fut Phil Hill qui l’emporta sur Ferrari (34 points) devant Wolfgang Von Trips (33 points), qui aurait été champion du monde s’il n’avait pas eu un accident qui entraîna sa mort à Monza (et celle de 12 spectateurs) sur une autre Ferrari. En revanche, l’année 1989, qui vit l’interdiction des moteurs turbo, se termina exactement comme l’année 1988, pour Mac Laren. Cette écurie, en effet, remporta le championnat en 1988 et en 1989, le seul changement intervenant entre les pilotes, Senna devenant champion du monde en 1988 sur sa Mac Laren V6 Honda Turbo (1.5l) avec 90 points devant Prost, sur la même voiture, avec 87 points. L’année suivante, c’est Prost qui s’imposa (76 points) avec la Mac Laren propulsée par un moteur atmosphérique V10 Honda (3.5l), devant Senna avec la même voiture (60 points), les deux pilotes ne laissant que des miettes à leurs adversaires de chez Ferrari ou Williams, même si leur domination fut moins nette en 1989.

Il est vrai que ces deux années, Mac Laren avait les deux meilleurs pilotes, la meilleure voiture et peut-être le meilleur moteur, ce qui était suffisant pour assurer un spectacle extraordinaire, les deux cracks ne se faisant aucun cadeau, au point qu’en 1989 Prost préféra s’en aller pour rejoindre la Scuderia, et nous offrir de nouveau un  duel d’anthologie avec son meilleur ennemi . Mais imaginons un instant que Prost n’ait pas eu Senna comme adversaire ou vice-versa, quel ennui pour les spectateurs et les téléspectateurs ! En 1988, par exemple, sur 16 grands prix Prost en aurait remporté 14 (7 victoires et 7 deuxièmes places) et Senna 11 (8 victoires et 3 deuxièmes places). Etant supporter de Raikkonen et appréciant beaucoup Alonso, j’aimerais bien que Ferrari réussisse à construire l’an prochain une machine susceptible de rivaliser avec Red Bull, voire même la battre. Là, je suis persuadé que personne ne s’ennuierait à la télévision ou dans les tribunes, avec deux pilotes aussi forts en course qu’Iceman et le Taureau des Asturies.

Michel Escatafal


Monza, temple des croyants et des pratiquants de la F1

monzaDemain va avoir lieu à Monza le Grand Prix d’Italie, un grand prix où Alonso va affronter, sur les terres ou presque de Ferrari, ses principaux rivaux au championnat du monde (Vettel, Hamilton, Raikkonen), mais aussi un grand prix ayant lieu sur un circuit mythique à bien des égards. Tout d’abord parce que Monza c’est le temple de la vitesse, comme disent les observateurs. Ensuite parce que c’est une course qui a perduré depuis les débuts du championnat du monde en 1950, et même bien avant si l’on regarde la compétition automobile de près, puisque l’inauguration du circuit eut lieu en 1922. Enfin parce que ceux qui ont eu la chance d’aller assister à ce grand prix en sont tous revenus comme s’ils avaient participé à un pèlerinage. Oui, c’est le mot qui convient pour qui a fait le voyage jusqu’à ce chef-lieu de province en Italie, grand comme Besançon ou Perpignan. En effet, contrairement à d’autres lieux beaucoup plus impersonnels, surtout sur certains nouveaux circuits, à Monza il n’y a que des croyants et des pratiquants, dans le sens où il n’y a que des passionnés qui assistent à ce grand prix. A Monza chacun a ses préférences tant au niveau des voitures que des pilotes, souvent les mêmes d’ailleurs, mais il y a toujours du respect quand on parle de ceux qui font la compétition. Point d’injures, ni d’invectives comme dans le football ou le vélo !

C’est en cela que l’on peut employer un mot qui touche à la religion, comme pèlerinage. Je trouve aussi  bien adapté le nom de  Temple de la vitesse  à propos du circuit de Monza, et pas seulement parce qu’on y atteint des moyennes hallucinantes pour la Formule 1 (autour de 250 km/h en qualifications de nos jours). Cela dit, on a toujours tourné très vite sur ce circuit puisqu’en 1950 Farina, qui fut le premier à l’emporter sur ce circuit, s’imposa à la moyenne extraordinaire de 176,5 kmh. L’année suivante, Ferrari y remporta sa première victoire en allant plus vite encore, Ascari terminant premier avec une moyenne de 185,927 km/h, le meilleur tour accompli par Farina indiquant une moyenne de 194,681 km/h. Oui, j’ai bien dit 194, 681 kmh, il y a 61 ans ! On dépassa même les 200km/h de moyenne en 1954 avec Fangio sur Mercedes (206,791 km/h), Stirling Moss, lui aussi sur Mercedes, battant le record du tour à plus de 215 km/h. Ahurissant!

Certes depuis le circuit a été modifié, puisqu’on n’utilise plus que le tracé dit routier, et non plus la partie de l’anneau de vitesse, mais il y a une constante à Monza : on va très, très vite, comme en témoigne la moyenne réalisée par Lewis Hamilton sur sa Mac Laren l’an passé (248,242 km/h en qualifications). Et si l’on en croit les pilotes, c’est aussi cela qui rend tellement spécial ce circuit, à propos duquel le champion du monde en titre, Sebastian Vettel, affirme qu’il est « le berceau du sport automobile » et que piloter là-bas « lui donne la chair de poule », et ce d’autant plus qu’il y a remporté sa première victoire sur une Toro Rosso qu’il avait menée avec maestria sous la pluie, ce qui faisait de lui le plus jeune vainqueur de grand prix de l’histoire (21 ans). A sa façon, Kimi Raikkonen expliquait lui aussi l’an passé le plaisir qu’il y a à évoluer à Monza, en disant que « venir ici quand tout marche bien et voir à quel point vous pouvez aller vite, c’est formidable ». Oui, tout est formidable à Monza, pour les pilotes, les ingénieurs, les mécaniciens, et les spectateurs…quand tout marche bien.

Et si j’ajoute cette restriction de Kimi Raikkonen, c’est parce que Monza est un circuit où se sont côtoyés de nombreux hauts faits d’armes, mais aussi hélas de terribles drames. Il n’y a jamais rien de banal sur le circuit de Monza, car tout ce qui s’y passe se transforme en légende du sport automobile, sans doute parce que tout ce qui s’y fait confine à l’excès. Il suffit de regarder les statistiques pour s’en rendre compte, ne serait-ce hélas qu’en comptabilisant le nombre de pilotes qui y ont trouvé la mort (52 en tout), mais aussi 35 spectateurs. Heureusement  cette époque apparaît révolue, même si quelques accidents spectaculaires, notamment des crevaisons à grande vitesse comme cette année à Siverstone, rappellent que la Formule 1 reste  un sport dangereux. Fermons la parenthèse sur cette longue période où la sécurité était totalement absente sur les voitures, et même en partie pour les spectateurs, pour évoquer quelques unes des nombreuses anecdotes qui ont participé à faire de Monza un des hauts lieux de la F1.

La première qui me vient à l’idée, même si j’étais trop jeune pour m’en souvenir, mais que j’ai assimilé totalement parce que cela avait beaucoup marqué mon père, lui aussi fan de Formule 1, fut le fait de voir Stirling Moss finir sa course en poussant courageusement sa voiture pour être classé (septembre 1954). Image que l’on devine d’une manière pathétique d’autant que, de l’aveu même de Fangio, l’as britannique aurait dû l’emporter à l’issue d’une course où il était en état de grâce, et qu’il avait dominée de la tête et des épaules. Cela montre qu’en Formule 1, et c’est toujours le cas de nos jours, il ne faut pas croire que pour gagner une course il suffit d’être le plus fort ou d’avoir une voiture parfaite. Il y a parfois des impondérables qui prennent une importance que l’on ne peut pas mesurer à l’avance, et ils en prennent d’autant plus à Monza que ce grand prix se situe en fin de saison, voire même la clôturait, par exemple dans les années cinquante, et détermine souvent le vainqueur du championnat du monde.

Autre incident notable à Monza, lié cette fois à son tracé. En 1960 les équipes britanniques boycottèrent le grand prix pour des raisons de sécurité, refusant de courir sur la piste inclinée. Cela n’eut aucune influence sur le championnat, puisque cette année-là Jack Brabham écrasa le championnat du monde avec sa Cooper-Climax. L’année suivante en revanche, les équipes britanniques ne firent pas objection à courir sur le plan incliné de Monza, mais la course fut endeuillée par un drame épouvantable, les voitures de Clark et Von Trips s’accrochant en début de course, ce qui provoqua la mort du pilote allemand et celle de 12 spectateurs. En 1962 il n’y eut heureusement ni accident, ni incident, mais ce grand prix de Monza fut quand même mémorable, parce qu’il fut le théâtre de la première victoire d’un des tous meilleurs pilotes de l’histoire, l’Ecossais Jackie Stewart. Celui de 1963, qui eut lieu comme cette année un 8 septembre, le fut tout autant, mais parce qu’il provoqua le désespoir des dizaines de milliers de tifosi, aucun pilote Ferrari ne figurant dans les 15 premiers (victoire de Clark), Surtees étant obligé de s’arrêter à cause d’un piston et le jeune Bandini devant se retirer à cause de sa boîte de vitesses. En 1970, hélas, c’est la mort qui allait de nouveau roder sur le circuit de Monza. Cette fois c’est le futur champion du monde, l’Autrichien Jochen Rindt (seul champion du monde sacré à titre posthume), qui allait trouver la mort après une panne d’origine mécanique. Rindt a été sans doute un des pilotes les plus rapides qu’ait connu la Formule1, et sa disparition laissa un grand vide, d’autant qu’elle nous a privé de sacrés duels entre lui et Jackie Stewart. L’accident de Rindt eut lieu dans la célèbre Parabolique, un virage où la vitesse des voitures retombe de plus de 300 à 120 kmh. Après avoir zigzagué (peut-être pour un problème de frein) la Lotus-Ford percuta violemment le rail avant de s’encastrer sous celui-ci. La mort fut presque instantanée, le plexiglas du saute vent ayant tranché la gorge du malheureux pilote autrichien.

L’année 1975 ne fut pas marquée par une catastrophe, mais par le plus heureux des dénouements pour Ferrari avec un double succès pour la Scuderia, Lauda remportant le premier de ses trois titres de champion du monde à Monza à la faveur d’une troisième place, son coéquipier, Reggazzoni, s’imposant très tranquillement…si j’ose dire. Malheureusement une nouvelle tragédie allait endeuiller le circuit emblématique des Italiens en 1978, lors de l’accident qui coûta la vie à Ronnie Peterson, dont j’ai parlé dans un précédent article (Romain Grosjean victime expiatoire des errements du passé ?).  En revanche, l’année suivante, les évènements rendirent heureux les supporters italiens, car Scheckter  conquit à Monza le titre de champion du monde avec la complicité active de Gilles Villeneuve, ce dernier ayant été victime de la malchance dans la course au titre alors qu’il avait quasiment toujours dominé son coéquipier. En 1981 ce fut au tour du jeune Alain Prost (sur Renault) de mener la course de bout en bout et de triompher pour la première fois à Monza. Plus tard, en 1988, ce fut le grand bonheur pour Ferrari, puisque ce Grand Prix d’Italie permit à la Scuderia (victoire de Berger devant son coéquipier Alboreto) de mettre fin à l’outrageante domination des Mac Laren de Prost et Senna. Il faut dire que le sort aida Ferrari, pour la plus grande joie des tifosi, dans la mesure où Prost connut une panne de moteur, tandis que Senna fut accroché par la Williams de J.L. Schlesser, qui avait remplacé Mansell malade.

En 2000, nouveau drame à Monza, mais cette fois ce fut un commissaire de piste qui trouva la mort, suite à un accident impliquant sept voitures dans le premier tour. Quatre ans plus tard, en 2004, le Grand Prix d’Italie mettait en liesse les tifosi, parce que d’une part la Scuderia fit le doublé avec Barrichello et Schumacher, et parce que ce grand prix marquait la 180è victoire de Ferrari comme constructeur. Enfin en 2008, comme je l’ai écrit précédemment, l’histoire retiendra que ce fut à Monza que le très probable quadruple champion du monde,  Sebastian Vettel, remporta sa première victoire en F1, avec un moteur Ferrari pour propulser sa Toro-Rosso. Voilà quelques uns des moments les plus heureux et hélas les plus malheureux vécus sur ce circuit mythique, qui fait encore de nos jours la fierté et la joie du public italien. Aucun autre endroit, sauf peut-être le Mans, n’est autant le symbole de la course automobile, mais Monza est aussi synonyme de Formule 1, discipline reine du sport automobile. Et ce n’est pas un hasard si Monza est situé tout près de Maranello (à peine 200 km), siège de Ferrari, un court voyage que je recommande à tous les amateurs de F1…qui risquent de voir cette année triompher une nouvelle fois la Red Bull de Sébastian Vettel, ce qui mettrait fin à tout suspens pour le championnat du monde. Cela dit, au vu du classement à ce jour, qui peut imaginer que Fernando Alonso (Ferrari), Lewis Hamilton (Mercedes) ou Kimi Raïkkonen (Lotus) puissent encore décrocher le titre?

Michel Escatafal


En Formule 1, 2013 ne ressemblera pas à 1963

Lotus25Red BullL’année 2013 en F1 sera-t-elle un grand cru comme on l’entend dire un peu partout, d’autant que la précédente a été marquée par une indécision qui a perduré jusqu’au dernier grand prix ? En allant même plus loin, en octobre il y avait encore quatre candidats au titre mondial, à savoir Vettel qui finira par l’emporter, Alonso, mais aussi Raikkonen et Hamilton, même si pour les deux derniers leurs chances étaient minimes. En outre, comme je le disais dans un article précédent, sur 20 courses nous avons eu 8 vainqueurs différents (Vettel et Webber sur Red-Bull, Alonso sur Ferrari, Hamilton et Button sur Mac Laren, Raikkonen sur Lotus, Maldonado sur Williams, Rosberg sur Mercedes), ce qui démontre que la hiérarchie a quand même été fluctuante au cours de la saison, et qui situe l’intensité de la lutte.

Et cette année donc, que se passera-t-il d’autant qu’en vu du changement de règlementation moteur en 2014, les évolutions seront minimes, ce qui signifie que la hiérarchie ne devrait pas beaucoup fluctuer cette saison. Cela dit, avant d’évoquer les forces en présence il pourrait y avoir un grand changement…dans l’administration de la Formule 1, avec le départ possible de son grand argentier, Bernie Ecclestone. Si ce changement est souligné, c’est parce que Bernie Ecclestone dirige la F1 depuis 40 ans (1973). Quel bail, et, disons-le tout net, quel bilan même si certains trouvent à redire sur ledit bilan, notamment à propos de la répartition d’une partie des revenus basée sur la performance…et l’ancienneté, ou encore sur la diminution du nombre de grands prix en Europe. Une chose est sûre cependant : Bernie Ecclestone a fait de la Formule 1 une institution florissante, crise économique ou pas. Oh certes, il y a eu des périodes plus roses que d’autres sur le plan financier, mais la F1 continue de faire recette et de se développer. Il est simplement dommage pour nous Français que, désormais, il faille soit être abonné à Canal+, soit disposer d’une parabole pour assister aux grands prix à la télévision (RTL télévision en Allemagne continue à retransmettre les grands prix). Frustrant quand même pour de nombreux fans!

Voilà pour la partie « coulisses » si j’ose dire. A présent passons à la partie sportive. Sans être grand clerc, on peut supposer qu’on retrouvera les meilleurs aux meilleures places, et ce, quelles que soient les évolutions sur les voitures, comme évoqué précédemment, ou sur les pneus. Quand je dis les meilleurs, c’est tous les meilleurs et pas seulement une écurie qui domine les autres. Il y aura à coup sûr Red Bull et son moteur Renault avec Vettel, le champion du monde en titre, qui essaiera de remporter son quatrième titre et égaler Prost, mais aussi Ferrari avec Alonso, qui a raté le titre de très peu l’an passé, bien secondé cette année par Massa, surtout s’il commence 2013 comme il a fini 2012. Mais il ne faut pas oublier Mac Laren et son moteur Mercedes, qui a certes perdu son leader, Hamilton, mais qui avec Button et l’espoir Perez dispose encore d’un bon tandem de pilotes. Il y a également deux teams qui seront sans doute aussi aux avant-postes, à savoir Lotus équipé aussi par Renault avec Kimi Raikkonen, peut-être le meilleur pilote en valeur absolue, et Grosjean, capable des plus beaux exploits…mais aussi des pires bourdes, et Mercedes qui s’est considérablement renforcé avec la venue du très rapide Hamilton, lui-même accompagné de Rosberg, qui figure parmi les pilotes de pointe depuis plusieurs années, même s’il risque fort de souffrir face à son très véloce nouveau coéquipier.

En parlant d’Hamilton, il est clair que ce sera un vrai plus pour Mercedes de disposer d’un pilote au sommet de son art, à la place de Michael Schumacher, lequel, malgré de beaux restes, ne pouvait pas réparer des ans l’irréparable outrage. Hamilton a-t-il eu raison de quitter son cocon familial chez Mac Laren, écurie dans laquelle il avait grandi et où on lui pardonnait tout ? L’avenir nous le dira, mais si Mercedes a réussi à mettre la main dans l’intersaison sur quelques modifications avantageuses pour sa voiture, Hamilton sera à n’en pas douter très dangereux pour Red Bull, Ferrari, Mac Laren et Lotus. N’oublions pas qu’il sait gagner (21 victoires) et qu’il est très vite en qualifications (26 pole positions).

Et les autres équipes ? Et bien elles seront derrière les grosses écuries, avec quelques pilotes qui vont jouer très gros pour leur avenir. Par exemple Hulkenberg, qui va disposer d’une très bonne voiture avec la Sauber (seule équipe dirigée par une femme, Monica Kaltenborn)  équipée comme d’habitude d’un moteur Ferrari. Hulkenberg, pour qui cette année sera déterminante, pourrait être la grande confirmation de cette saison. En revanche personne n’attend grand-chose de son coéquipier, le Mexicain Guttiérez, qui n’a pas fait d’étincelles dans les catégories inférieures, au contraire de son équipier et du Finlandais (24 ans) Bottas, qui courra sur la Williams à moteur Renault. Néanmoins, Bottas aura fort à faire avec Maldonado, vainqueur l’an passé du Grand Prix d’Espagne. Pour Maldonado, le problème est le même que pour Grosjean, à savoir canaliser sa fougue en course. Plus facile à dire qu’à faire ! D’ailleurs c’est à ça que l’on reconnaît les cracks des autres. Combien d’erreurs pour Vettel, Raikkonen ou Alonso ? Très, très peu !

Parmi les espoirs de la discipline qui vont jouer très gros cette année, il y en a deux qui opèrent chez Toro Rosso, la filiale de Red Bull : l’Australien Ricciardo et le Français Jean-Eric Vergne. Pour l’instant ils sont quasiment à égalité, l’un (Ricciardo) étant plus rapide en qualifications, l’autre (Vergne) allant plus vite en course. Les deux jeunes gens (bientôt 24 ans pour Ricciardo et 23 ans pour Vergne)  ont donc tout intérêt à progresser d’ici la fin de la saison 2013, car au bout il pourrait y avoir un volant chez Toro Rosso, Webber finissant par être remplacé un jour ou l’autre. Pour le moment, si cela n’a pas été fait, c’est parce que les deux pilotes Toro Rosso ne sont pas au niveau d’un Webber, certes dominé par Vettel, mais très bon quand même, ce qui le situe juste derrière Vettel, Alonso, Raikkonen et Hamilton. Progresseront-ils suffisamment pour aspirer au grade supérieur que représente le passage de Toro Rosso à Red Bull ? Peut-être, mais pas certain, en espérant que Vergne balaiera cette interrogation, ce qui ferait un Français de plus dans une écurie de pointe.

Et puisque je parle des Français, il faut noter que cette année nous en aurons quatre en Formule 1, avec Pic au volant d’une Caterham à moteur Renault, et Bianchi au volant d’une Marussia à moteur Cosworth. On se croirait presque revenu dans les années 80 ! Fermons la parenthèse pour noter que l’un comme l’autre ne sont pas équipés pour jouer dans la cour des grands, ni même des moyens, leur voiture ayant forcément des ambitions très limitées. Mais nombre de grands champions sont passés par des écuries mineures avant d’éclater chez les grands. Ce fut le cas d’Arnoux (Martini), d’Ayrton Senna (Toleman), de Damon Hill (Brabham qui n’avait plus rien à voir avec l’écurie de B. Ecclestone), ou encore de Fernando Alonso (Minardi), voire Vettel (Toro Rosso) et Raikkonen (Sauber). On connaît la suite pour tous ces champions. Espérons pour nos jeunes français qu’ils tireront leur épingle du jeu, au point d’avoir la possibilité de rejoindre un grand team.

Enfin, pour terminer, comme ce blog est consacré aussi et même surtout par certains côtés à l’histoire du sport, je voudrais évoquer l’année 1963, qui fut historique à plus d’un titre…mais qu’on ne souhaite pas revoir en 2013. Pourquoi ? Tout simplement parce que le duo des surdoués, comme on appelait Colin Chapman, le père de la prestigieuse Lotus 25 (entre autres), et Jim Clark, le meilleur pilote de la décennie 60, véritable successeur de Fangio, ont écrasé la concurrence puisqu’ils ont remporté 7 des 10 grands prix programmés. Et comme si cela ne suffisait pas, Jim Clark a réalisé 7 pole position, et est devenu champion du monde avec 54 points contre…29 aux deux pilotes BRM, Graham Hill et Richie Ginther. Une domination presque totale du couple constructeur-pilote le plus génial de la F1. Même des binômes comme Ferrari-Schumacher ou Red Bull version Newey-Vettel n’ont jamais exercé une telle hégémonie sur la Formule 1 !

Déjà l’année précédente, cette Lotus Climax révolutionnaire avec son châssis-caisson avait failli d’entrée remporter le championnat, manquant le titre pilotes à cause d’une petite rondelle oubliée par un mécanicien fatigué, alors que Clark était largement en tête du Grand Prix d’Afrique du Sud, ce qui profita à Graham Hill sur BRM. Mais en 1963,  cette machine d’avant-garde fonctionna à plein régime, malgré les difficultés qu’avaient les pilotes à s’enfoncer dans le cockpit en position très allongée, ce qui ne pouvait convenir qu’à un pilote jockey, et encore au prix de multiples torticolis. Il n’empêche, après un Grand Prix de Monaco qu’il avait copieusement dominé jusqu’à une panne de boîte à vitesses à quelques encablures de l’arrivée, Clark s’imposa à Spa avec 4mn54s d’avance sur Bruce Mac Laren (Cooper Climax), à Zandvoort avec un tour d’avance sur Gurney (Brabham Climax), à Reims où le second, le Sud-Africain Maggs sur Cooper, termina à plus d’une minute, à Silverstone avec 25s d’avance sur la Ferrari de Surtees qui profita au maximum de la puissance de son moteur. Au Nurburgring, en revanche, Clark laissera la victoire à Surtees à cause de son moteur Climax qui n’a cessé de « ratatouiller » tout au long du grand prix, Clark finissant sa course à plus d’une minute. Mais en Italie, la Lotus retrouva toute sa superbe, et Clark s’imposa avec 1mn35s d’avance sur Ginther, une victoire qui lui donnait d’ores et déjà le titre de champion du monde à trois grands prix de la fin. Est-ce parce que le titre était déjà joué ? Toujours est-il que Clark ne finit qu’à la troisième place à Monza derrière les deux BRM de Graham Hill et Richie Ginther. Mais à Mexico, Clark reprit sa suprématie, ce qui lui permettait d’égaler les records d’Ascari et Fangio en remportant 6 grands prix la même année. Il complètera ce triomphe en s’imposant pour la septième fois à East London (Afrique du Sud) tout à fait en fin d’année (le 28 décembre) en dominant Gurney (Brabham Climax) et Hill sur BRM. Quelle démonstration du binôme Lotus-Clark. C’était il y 50 ans tout juste !

Michel Escatafal


2012-1962 : le présent et le passé en F1

L’année 2012 en F1 pourrait être un grand cru si l’on en croit ce que disent tous les spécialistes, même s’il faut toujours être prudent pour faire ce genre de pronostic. Déjà il y a les habituelles évolutions sur les voitures, des évolutions qui dès leur application prêtent souvent à contestation, tellement les ingénieurs sont inventifs pour contourner le règlement, ce qui oblige très souvent la FIA à intervenir en cours de saison pour interdire ou confirmer telle ou telle évolution…ce qui paraît anormal. Parfois d’ailleurs cela pose de gros problèmes à certaines écuries, dans la mesure où la voiture a été construite sur la base d’évolutions qu’ils pensent pouvoir être validées. Cela dit, ne rentrons pas trop dans les détails, car on aurait du mal à s’y retrouver, et ils seront développés par les commentateurs pendant les premières courses…sans que le téléspectateur y comprenne nécessairement quelque chose. A titre d’exemple, je citerais l’instauration de nouvelles règles pour « éviter le soufflage des gaz d’échappement au freinage ».  J’ai lu aussi que Mercedes et Mac Laren  avaient mis au point deux F-ducts passifs  pour les deux ailerons, totalement légaux pour le moment, ce qui veut dire que Mercedes qui en est à un stade plus avancé que Mac Laren pour cette évolution…ne pourra peut-être pas profiter de cette trouvaille technologique au-delà du ou des premiers grands prix de la saison. C’est quand même ennuyeux, mais c’est aussi cela la Formule 1, discipline à l’avant-garde de la technologie.

Cela dit, revenons brièvement sur cette saison qui, comme je l’ai dit précédemment, s’annonce théoriquement somptueuse.  Surtout en 2012, nous avons l’espoir que les courses soient plus intéressantes ou si l’on préfère moins ennuyeuses que l’an passé, en raison de la supériorité manifeste de la Red Bull pilotée par Vettel, notamment sur les circuits se prêtant à des dépassements, ce qui est loin d’être la cas partout. A ce propos, Red Bull et Vettel ont tellement écrasé la concurrence, qu’à peine à la mi-saison on connaissait le nouveau champion du monde. Mais quelque chose me dit que cette année ce ne sera pas le cas. Pourquoi ? Tout simplement parce que toutes les équipes ont beaucoup travaillé pour rattraper leur retard sur Red Bull, même si elle-même s’est efforcée  de maintenir au maximum son avance sur ses concurrents. Et ceux-ci ayant un ardent désir de revanche, n’ont pas lésiné sur les moyens, notamment Ferrari, Mac Laren, Mercedes et même Lotus, qui pourrait bien être la grosse surprise cette année avec son moteur Renault, le même que Red Bull.

Ferrari avec Alonso et Massa, comme  Mac Laren avec Button et Hamilton, mais aussi Red Bull avec Vettel et Webber, ou encore Mercedes avec Schumacher et Rosberg ont gardé leur même tandem de pilotes, misant sans doute sur la continuité ou sur l’esprit de revanche de certains pilotes loin d’avoir évolué à leur meilleur niveau en 2011. En disant cela je pense à Massa chez Ferrari, largement dominé par Alonso sans que l’on sache si ce sont les pneus ou son accident en 2009 qui l’ont relégué au rang de faire-valoir du flamboyant champion espagnol, même si ce dernier est clairement premier pilote de la Scuderia. Je pense aussi à Webber qui, contrairement à l’année 2010, n’a pas existé face à Vettel chez Red Bull, ou encore à Lewis Hamilton qui a connu de grosses difficultés par comparaison avec son équipier Button, beaucoup plus constant. Certes, en qualification Hamilton s’est montré globalement plus rapide que Button, ce qui n’est pas une surprise, mais en revanche en course il s’est avéré nettement moins fiable, alors qu’il l’avait dominé au cours de la saison 2010. Quant à Mercedes, faut-il parler de déception à propos de Michael Schumacher  qui doit affronter (à 43 ans) la dure concurrence de Rosberg…qui pourrait presque être son fils. On ne peut pas des ans réparer l’outrage, même en ayant de beaux restes.

Reste le team de mon cœur, Lotus. Rien que le nom de l’écurie sonne merveilleusement aux oreilles des fans de la F1, avec son génial créateur Colin Chapman et son pilote fétiche Jim Clark, peut-être en valeur absolue le meilleur  de l’histoire avec Fangio et Senna. Mais Lotus va disposer cette année d’un top pilote en la personne de Raikkonen, dont beaucoup de techniciens disent qu’il est à voiture égale, le pilote le plus rapide du plateau, pour peu que sa machine soit bien née. Si j’ajoute cette précision, c’est parce qu’on a souvent reproché à « Iceman », surnom du magnifique pilote finlandais, sa faible implication dans le développement d’une voiture. C’est une critique que j’ai du mal à accepter, comme il l’a prouvé chez Ferrari en 2009 où, après l’accident de Massa, il a porté la Scuderia à bout de bras pendant la deuxième partie de la saison, remportant une victoire à Spa, et réalisant le meilleur parcours de tous les concurrents pendant cette demi-saison, avec une voiture qui n’avançait pas par rapport à ses principales rivales.

Cette année donc, Kimi Raikkonen aura une grosse responsabilité, mais après deux saisons en WRC où il s’est fourvoyé, malgré des performances honorables, il est manifestement revenu à ses premières amours avec l’espoir de redevenir le Raikkonen de chez Mac Laren ou de ses débuts chez Ferrari. Il sera d’ailleurs épaulé par notre Franco-suisse Romain Grosjean, ce qui permettra à ce dernier de s’étalonner par rapport à un très grand pilote, ce qu’il ne put pas faire en 2009 sur les neuf grands prix qu’il disputa au volant d’une Renault, dont l’équipe était totalement dévouée à Alonso.  En tout cas Lotus promet beaucoup cette année, et les essais de pré-saison ont montré que la voiture avait du potentiel, malgré des essais d’intersaison quelque peu tronqués suite à un problème, aujourd’hui réglé, au niveau de la direction.

En parlant de Raikkonen, cette saison sera aussi historique parce qu’il y aura sur les grilles de départ pas moins de six champions du monde, ce qui n’était jamais arrivé dans l’histoire de la formule 1. En effet, outre Raikkonen (2007), il y aura le septuple champion du monde Schumacher (entre 1994 et 2004), mais aussi Alonso (2005 et 2006), Vettel (2010-2011), Hamilton (2008) et Button (2009). Quel extraordinaire plateau, et quel beau spectacle en perspective, d’autant que tous ces pilotes disposeront des meilleures voitures. En outre quelqu’un comme Nico Rosberg, bien que n’ayant toujours pas gagné de grand prix, fait partie de ceux qui vont briller à coup sûr cette année, sans parler de Massa et Webber qui ont besoin de se réhabiliter.

En évoquant  l’écurie Lotus, cela nous ramène à l’année 1962, où cette équipe commença réellement à s’affirmer au firmament de la formule 1, avec un binôme comme le sport automobile n’en a peut-être jamais eu dans l’histoire, composé de Colin Chapman et Jim Clark.  Déjà l’année précédente, en 1961, une voiture de la marque Lotus avait terminé à la troisième place d’un championnat dominé par Ferrari. Cette voiture, ancien modèle de Lotus, était pilotée par Stirling Moss qui, l’année suivante, allait voir sa carrière s’arrêter à Godwood dans une course hors championnat, suite à un accident qui l’empêchera de retrouver son meilleur niveau, après être resté prisonnier très longtemps dans son châssis, vivant mais presqu’inconscient pendant qu’on s’affairait avec des pinces coupantes à le sortir de son habitacle. Les autres voitures, les Lotus –Climax, étaient confiées à Ireland et au tout jeune Jim Clark qui d’entrée avait montré tout son talent, ce qui incita le patron de Lotus, Chapman à en faire sa figure de proue en 1962. Cette Lotus- là (la 25 propulsée par le moteur V8 Climax), avait la particularité d’avoir un châssis monocoque révolutionnaire, qui en plus s’adaptait tout à fait aux mensurations de ses deux pilotes-jockeys, Jim Clark et Trevor Taylor, lesquels toutefois avaient une position de conduite loin d’être idéale, au point d’attraper un torticolis à chaque séance d’essais ou lors des grands prix.  

Et avec cette voiture, Jim Clark allait remporter trois victoires (Spa, Aintree et Watkins Glen), terminant  deuxième du championnat du monde juste derrière Graham Hill, lequel en avait remporté quatre (Zandvoort, Nurburgring, Monza et East London en Afrique du Sud) sur sa BRM. Cela permettait à Graham Hill de remporter le premier de ses deux titres de champion du monde (le second il le remportera sur Lotus en 1968), mais force est de reconnaître qu’il avait bénéficié d’une certaine réussite, puisque le 29 décembre (date très tardive pour clôturer la saison) Graham Hill remporta la victoire et le titre 1962 en profitant d’une panne de moteur de la Lotus du prodige écossais. En réalité, à cause d’une rondelle oubliée par un mécanicien fatigué, ce qui a provoqué un serrage du moteur. Il restait à peine 22 tours avant l’arrivée, et personne n’aurait imaginé un tel final, jusqu’à ce qu’un filet de fumée bleue ne s’échappe du moteur de la Lotus.  Graham Hill avait tout gagné, mais si Clark avait tout perdu, il venait de démontrer que le binôme Clark-Lotus 25 serait imbattable dans l’avenir.

Et c’est ce qui se passa l’année suivante puisque Jim Clark allait écraser le championnat en remportant sept victoires sur dix grands prix disputés. Enfin,  pour revenir au championnat 1962, ce fut une année terrible pour Ferrari,  qui fut dominée comme jamais par la concurrence en terminant à la cinquième place du championnat du monde des constructeurs, et en plaçant son premier pilote, Phil Hill (champion du monde 1961), à la sixième  place du championnat pilotes, avec 14 points contre 42 à Graham Hill. Mais ce le fut surtout parce que son nouveau pilote, un prodige mexicain de 20 ans, Ricardo Rodriguez, se tua aux essais du Grand Prix du Mexique.  Ce décès survenait un an après celui de von Trips à Monza, suite à un accrochage avec Clark, accident qui coûta la vie à 12 spectateurs. La course automobile était vraiment très dure à l’époque! Heureusement, de nos jours, les accidents n’ont plus les mêmes conséquences. Tant mieux, et on peut remercier sur ce plan l’ancien président de la Fédération internationale, J. M. Balestre, qui avait fait de la sécurité des voitures son credo.

Michel Escatafal


Vettel me fait penser à Clark

Il y a un peu moins d’un an, à l’âge de 23 ans 4 mois et 11 jours, Sebastian Vettel devenait  le trente-deuxième champion du monde de l’histoire de la F1. Il était par la même occasion le plus jeune à avoir obtenu ce titre, alors que le plus âgé s’appelle J.M. Fangio, lequel obtint  sa cinquième couronne mondiale à l’âge de 46 ans. Autre particularité,  Vettel a été champion du monde le jour il a été en tête du championnat pour la première fois de sa carrière. Mais depuis la fin de la saison dernière, le jeune crack allemand a fait son chemin, et a même fait beaucoup de chemin sur la route qui va l’amener à son deuxième titre consécutif de champion du monde, et à côtoyer très rapidement le panthéon des pilotes de Formule 1, confirmant pleinement les promesses entrevues à ses débuts dans le sport automobile, où il a gagné et figuré parmi les meilleurs partout où il est passé. En effet, en 75 grands prix, il a déjà remporté 18 victoires et réalisé 25 poles position ce qui aboutit à un ratio extraordinaire de 0.24 pour les victoires par grand prix, qui le met quasiment au niveau de Stirling Moss, et de 0.33 pour les poles position, ce qui le place en quatrième position dans l’histoire juste derrière Jim Clark (voir article sur les meilleurs pilotes de F1).

Sur ce plan il ne fait que reproduire ce que les autres très grands champions ont fait, à savoir s’imposer très vite en F1 et obtenir tout aussi vite un bon volant, ce qui va souvent de pair. Au passage, je crois que l’on peut avoir une pensée pour un certain Sébastien Bourdais, qui n’avait pas été ridicule face à ce prodige pendant quelques grands prix au début de la saison 2008, avant d’être « largué » avec la nouvelle Toro Rosso sortie en cours de saison. Il n’empêche, quelle malchance pour Bourdais d’avoir eu comme équipier ce surdoué lors de son arrivée en Formule 1, un peu comme quand Michael Andretti, autre roi des courses américaines, s’était retrouvé dans la même écurie (Mac Laren) qu’Ayrton Senna (1993). Lui non plus ne s’en était jamais remis. Et puisque j’évoque le nom d’Ayrton Senna, j’en profite pour noter que la tête de Vettel est bien faite, puisqu’il a dit lui-même que le plus impressionnant en qualifications fut Ayrton Senna…que Vettel ne connaît que par l’histoire, dans la mesure où Senna est mort en 1994, alors que Vettel n’avait pas encore 7 ans.

En parlant du merveilleux pilote brésilien, certains me reprocheraient de ne pas aborder  le volet comparaison. A ce sujet, ce n’est pas à Ayrton Senna que les gens pensent quand ils veulent comparer Vettel à un autre super pilote, mais plutôt à Michael Schumacher, du moins le Schumacher de sa première carrière, et non celui d’aujourd’hui qui, malgré de beaux restes, n’a semble-t-il pas compris qu’il n’a plus aucune chance de s’imposer à des champions beaucoup plus jeunes, ce qui est le cas de Rosberg chez Mercedes, et sans doute plus encore de Vettel, Lewis Hamilton, Alonso ou même Button. Si la comparaison se fait naturellement avec  M. Schumacher c’est avant tout parce qu’il est allemand, ce qui lui a valu le surnom de « Baby Schumi », mais aussi parce que sur le podium il a un peu les mêmes mimiques ou gestes que lui. Pour le reste il est toujours très difficile de comparer sur la piste, parce que les pilotes n’ont pas couru dans la même écurie, ni évolué  à leur maximum au même moment.

Tout cela pour dire, qu’à titre personnel, si je devais comparer Vettel à quelqu’un ce serait…à  l’Ecossais Jim Clark. Pourquoi Jim Clark ? Pour la précocité d’abord, puisque Clark arriva très tôt en Formule 1 pour son époque, puisqu’il fit ses débuts en 1960 à l’âge de 24 ans, après avoir gagné à 17 ans la première course à laquelle il ait participé, qu’il remporta sa première victoire à 26 ans et qu’il obtint le premier de ses deux titres de champion du monde à 27 ans (1963). Il faut rappeler qu’à la fin des années 50 et au début des années 60, nombre de pilotes avaient l’âge du Michael Schumacher  version 2011, c’est-à-dire nettement plus de 40 ans. En fait  dans les années 50, il n’y avait eu que les Anglais Stirling Moss, autre figure légendaire de la F1 bien que les règlements l’aient empêché d’être champion du monde, et Mike Hawthorn, champion du monde en 1958, à avoir fait preuve à la fois d’une telle précocité et d’un semblable talent, même si sur ce plan ils étaient un peu moins doués que le merveilleux pilote écossais.

Autre particularité de Clark et Vettel : la même fidélité à une écurie. Sébastian Vettel a commencé sa carrière en F1 chez Toro Rosso, qui est la petite sœur de son équipe actuelle Red Bull. Vettel en effet n’a jamais connu d’autre écurie que le groupe de D. Mateschitz, dont le directeur est Ch. Horner et l’ingénieur en chef le brillantissime A. Newey. Et c’est vrai que cela rappelle aux plus anciens fans de F1, l’époque où Clark  dominait la Formule 1 avec  l’écurie Lotus et son génial patron-ingénieur Colin Chapman, pour qui il a commencé à piloter en F2 et en Formule Junior. Pour ma part, bien qu’étant très jeune à ces moments, j’ai eu la chance à plusieurs reprises de voir Jim Clark en action au grand prix de Pau, qu’il a gagné 4 fois dont la première en 1961, et cela reste de merveilleux souvenirs.  Quel régal de le voir négocier dans son style coulé le virage de la gare !

Il reste à souhaiter à Vettel de faire une plus longue carrière que Jim Clark  qui, rappelons-le,  a disputé seulement 72 grands prix du championnat du monde (3 de moins que Vettel aujourd’hui), en a gagné 25 et a réalisé 33 poles position, ce qui est un bilan tout à fait exceptionnel. D’ailleurs, pour nombre de connaisseurs,  Clark fait partie du tiercé de tête des trois plus grands pilotes de l’histoire avec J.M. Fangio et Ayrton Senna, devant Stewart, Prost et Schumacher. Hélas pour lui, après avoir échappé à la mort après être entré en collision avec Von Trips à Monza, ce qui coûta la vie à ce dernier (ainsi qu’à 10 spectateurs) en 1961,  sa carrière prit fin, comme trop souvent à cette époque où la sécurité était loin d’être ce qu’elle est de nos jours, par un accident mortel qui eut lieu le 7 avril 1968 à Hockenheim, dans une  course de Formule 2. On ne saura jamais pourquoi sa Lotus, roulant en position isolée,  avait quitté la piste à très haute vitesse dans une portion quasi rectiligne du circuit. Avait-il fait une faute de pilotage ? Personne ne l’a pensé,  parce que Jim Clark n’en faisait pas. En réalité l’hypothèse la plus vraisemblable est l’éclatement d’un des pneus arrière  de sa voiture, ce qui fit perdre à Clark le contrôle de sa machine à 240 km/h sur la piste mouillée. Jim Clark, l’immense Jim Clark,  fut tué sur le coup. Un peu la même mort que celle d’Ayrton Senna 26 ans plus tard (1er mai 1994).

En écrivant tout cela, je m’aperçois que Vettel est bien parti pour appartenir au cercle très fermé des pilotes légendaires de la F1.  Et ce n’est pas son coéquipier chez Red Bull, l’Australien Mark Webber, qui dira le contraire, après avoir été largement dominé depuis deux saisons, et plus encore cette année que la précédente. Est-ce Webber qui a régressé ou Vettel qui atteint sa plénitude ? Bien entendu chacun de nous penchera pour la deuxième hypothèse. Dommage simplement que de nos jours, en raison du nombre très important de grands prix, les pilotes soient obligés de se consacrer totalement à la F1, sans faire d’incursions dans les autres disciplines, comme le fit Jim Clark qui gagna en 1965 l’épreuve mythique des 500 miles d’Indianapolis. Peut-être à la fin de sa carrière Vettel s’y essaiera-t-il ? Cependant cette perspective ne peut-être que lointaine compte tenu de son jeune âge.

En tout cas avec Alonso, voire même l’excellent Button pour parler au présent, et avec Lewis Hamilton et Vettel pour l’avenir à moyen et long terme, la  F1 a la chance d’avoir quelques pilotes capables de nous offrir des duels extraordinaires, comme nous en connaissions autrefois avec Fangio-Moss, Clark-Hill, Prost-Lauda, Senna-Prost ou plus près de nous Schumacher-Hakkinen. Après tout, comme dans le cyclisme, l’athlétisme ou le tennis, la légende se nourrit surtout des grands duels. Et ce pourrait déjà être le cas l’an prochain si, comme nous l’espérons tous, Ferrari et Mac Laren se rapprochent encore un peu plus de  Red Bull. Cela dit, avec l’assurance que va lui donner son second titre mondial, je suis persuadé que Vettel sera encore en 2012 le favori du championnat du monde.

Un regret quand même pour terminer, à savoir qu’on n’offre pas aux pilotes suffisamment de circuits où ils puissent exprimer tout leur talent. Même si l’on ne doit pas être nostalgique des circuits comme le Nurburgring, Spa ou Monza d’autrefois, qui étaient très dangereux, je suis certain qu’on pourrait faire mieux que ce qui est parfois proposé de nos jours, où sur nombre de circuits il est très difficile pour ne pas dire impossible de doubler. Peut-on réellement se réjouir de voir de longues processions à longueur de grands prix…en attendant la pluie pour avoir du spectacle ? Ces pilotes qui composent le plateau méritent mieux que cela, et les spectateurs qui paient très cher leur place aussi. Mais là aussi il y a de l’espoir avec quelques nouveaux circuits qui voient ou vont voir le jour…pour notre plus grand bonheur.

Michel Escatafal