Cette merveilleuse Muriel Hurtis …

muriel hurtisLa France vient de vivre ces derniers jours un de ces moments de joie comme seul le sport peut en apporter. Il s’agit bien sûr des championnats d’Europe d’athlétisme, où les Français ont réussi « un carton » comme jamais cela n’était arrivé dans l’histoire de notre athlétisme. Certes, comme nous sommes en France, on va nous faire remarquer que ce n’était « que » des championnats d’Europe, mais les mêmes oublient que certaines médailles sont en réalité des médailles mondiales, pour la simple raison que dans plusieurs disciplines les Européens sont les meilleurs, ou un Européen est le meilleur ou parmi les tous meilleurs (concours hommes et femmes, Mo Farah, Renaud Lavillenie, Mahiédine Mekhissi…). Voilà pourquoi il faut se réjouir, comme les plus anciens amateurs d’athlétisme se sont longuement réjouis des 14 médailles (dont 4 en or avec Jazy, Bambuck, Madubost et le 4x100m) récoltées aux championnats d’Europe 1966. Tout cela pour dire qu’on aurait tort de bouder notre plaisir, d’autant que la France se situe juste derrière la Grande-Bretagne au tableau des médailles, cette dernière l’emportant grâce à ses 12 médailles d’or contre 9 à la France. Cela dit, sur la piste les Français ont récolté davantage de médailles que les Britanniques, puisqu’on a retiré de façon aussi injuste que ridicule la médaille d’or de Mahiédine Mekhissi au 3000m steeple. Bref, nos Bleus qui ont fait retentir aussi souvent la Marseillaise, dans le stade mythique de Zurich, ont bien mérité l’accueil très chaleureux de leurs supporters et l’hommage rendu par François Hollande à l’Elysée.

Je ne vais évidemment pas m’étendre sur les résultats de cette équipe de France, largement commentés par les journaux ou les sites spécialisés, mais je voudrais quand même souligner l’extraordinaire dernier tour de Mahiédine Mekhissi dans le 1500m, un dernier tour qui a fait l’admiration de Sebastian Coe et Michel Jazy, deux des plus grands milers de l’histoire, ou encore de Medhi Baala (double champion d’Europe du 1500m, médaillé d’argent mondial et médaillé de bronze olympique) qui, lui aussi, sait de quoi il parle quand il affirme qu’il n’y a pas « beaucoup de gars capables de courir le dernier tour en moins de 50s ». En fait on ne sait d’ailleurs pas exactement le temps qu’aurait pu réaliser Mekhissi dans son dernier tour s’il avait été à la lutte, car il a commencé à se relever à 80 m de la ligne qu’il a franchie au ralenti, ce qui explique qu’il n’ait  été chronométré « qu’en » 52s7. Pour mémoire je rappellerais que Coe avait été chronométré lors de son dernier tour du 1500m des J.O. de Los Angeles (1984) en 51s, à la lutte avec  Steve Cram, autre fameux coureur de 1500m. Cela dit, quelles sont les limites de Mekhissi sur 1500m ? Sans doute à un très haut niveau, et ce serait intéressant de le voir faire une saison pleine sur la distance…ce qui ne risque pas d’arriver, car le 3000m steeple est la distance sur laquelle il a remporté ses plus beaux succès et obtenu son meilleur résultat chronométrique (il est recordman d’Europe). En outre, je suis certain qu’il est persuadé de pouvoir enfin obtenir l’or olympique sur le steeple à Rio de Janeiro, malgré l’omniprésence des Kenyans.

Autre dernier tour d’anthologie, celui de Floria Gueï dans le relais 4x400m victorieux de ces championnats d’Europe. Décidément nos athlètes avaient une envie extraordinaire de se battre, et Floria Gueï en a apporté une preuve supplémentaire, elle qui avait  encore plus de 20m de retard dans la ligne opposée, mais qui y a cru jusqu’au bout, ce qui au passage a ridiculisé le commentateur de France Télévision, toujours prompt à tirer des conclusions trop rapides sur une épreuve. Fermons la parenthèse, pour souligner que Floria Gueï a couru son 400m lancé en 49s7 soit environ 50s4 départ arrêté, un niveau très supérieur à son meilleur temps individuel (51s42). Cela signifie que si elle renouvelle ce type de course dans l’avenir, elle peut espérer entrer en finale du 400m lors des prochains championnats du monde ou des Jeux olympiques de Rio, et devenir  un de nos grands atouts pour le futur relais 4x400m, après la retraite de Muriel Hurtis.

Muriel Hurtis justement, je veux en parler car elle est le troisième élément de cette merveilleuse trilogie de sprinteuses que nous a offert la Guadeloupe, après Marie-Jo Pérec et Christine Arron (voir mon article sur ce site Marie Jo Pérec et Christine Arron, nos merveilleuses divas des pistes). Hélas Muriel, comme ses amies avant elle, vient de disputer sa dernière compétition, et on ne reverra plus sa grande silhouette sur les pistes, où elle a brillé de mille feux depuis une quinzaine d’années. Une carrière très longue qui a réellement commencé au niveau international en 1999, avec la médaille d’argent du 4x100m des championnats du monde en compagnie de Kathia Benth, Patricia Girard et Christine Arron, juste derrière les Bahamas. Ensuite ce sera une succession de grandes performances sur les pistes du monde entier avec une médaille d’argent aux championnats d’Europe en salle sur 200m (en 2000), puis l’année suivante l’argent aux championnats du monde dans le relais 4x100m, avant d’exploser sur le plan individuel en 2002. Cette année-là en effet, Muriel Hurtis allait démontrer toute sa classe en remportant l’or aux championnats d’Europe en salle sur 200m, mais aussi deux titres européens en plein air sur 200m et au 4x100m. L’année 2003 sera celle de la confirmation avec un titre de championne du monde en salle sur 200m (suite au déclassement pour dopage de Michelle Collins), puis une médaille de bronze sur 200m aux championnats du monde à Saint-Denis (là aussi grâce au déclassement de Kelly White qui l’avait emporté), et la médaille d’or du relais 4x100m à ces mêmes championnats du monde en compagnie de Patricia Girard, Sylviane Félix et Christine Arron, qui fit sans doute ce jour-là la plus belle ligne droite de sa carrière, prenant le bâton avec un mètre de retard sur la championne du monde, Torri Edwards, dans le dernier relais et franchissant la ligne avec un mètre d’avance. Mais si Christine Arron put accomplir cet exploit, c’est aussi parce que Muriel avait accompli une extraordinaire ligne opposée en deuxième relayeuse, ce qui n’était pas une surprise pour les amateurs et connaisseurs d’athlétisme, dans la mesure où Muriel Hurtis, remarquable spécialiste du 200m, avait aussi réalisé 10s96 sur 100m en 2002. Ensuite, aux J.O. d’Athènes en 2004, elle terminera sur la troisième marche du podium du relais 4x100m avec  Sylviane Félix, Christine Arron et Véronique Mang qui avait remplacé Patricia Girard au départ.

Ce sera son dernier podium dans les grandes compétitions internationales jusqu’aux championnats d’Europe en salle (en 2011) dans le relais 4x400m. Oui je dis 4x400m, puisque Muriel Hurtis a décidé en 2010 de monter sur 400m, où sa longue et puissante foulée devait faire merveille. Hélas, elle avait beaucoup perdu de sa vitesse de base et, de fait, ne sera qu’une bonne spécialiste française sur sa nouvelle distance, son meilleur temps se situant à 51s41 (en 2010). Cela ne l’empêchera pas de rester une excellente relayeuse et d’aider ses jeunes compatriotes, notamment Marie Gayot et Floria Gueï, à progresser sur 400m et à s’approcher des podiums, comme en témoigne la quatrième place prise aux championnats du monde 2013. Mais le plus beau restait à venir sur 400m, avec cette magnifique victoire remportée dimanche dernier en compagnie de Marie Gayot, Agnès Raharolahy et Floria Gueï, qui, d’un coup, a presque acquis la notoriété d’un Marc Raquil, avec cette ligne droite stratosphérique, coiffant pour cinq centièmes la dernière relayeuse ukrainienne, laquelle s’en voudra toute sa vie d’avoir relâché son effort dans les derniers mètres, pensant avoir course gagnée. Elle a bien fait de commettre cette erreur, car, de ce fait, Muriel Hurtis quitte la scène athlétique par la grande porte, ce qui est mille fois mérité.

Michel Escatafal


Alexandra Tavernier, championne olympique du marteau à Rio?

Les championnats du monde juniors d’athlétisme viennent de s’achever à la satisfaction générale des dirigeants de l’athlétisme français. Certes les jeunes Français n’ont remporté que quatre médailles, ce qui ne nous place qu’à la douzième place au classement des nations, loin, très loin même des Etats-Unis qui en comptent cinq fois plus que nous, mais c’est quand même un bon bilan. En outre, la délégation française a remporté un titre mondial avec Alexandra Tavernier au marteau, les Françaises réalisant même le doublé avec Alexia Sedykh, fille de deux champions olympiques, l’Ukrainien Youri Sedykh au marteau et la Russe naturalisée française Natalya Lisovskaya au poids. Ce doublé est évidemment, pour nous Français, la meilleure nouvelle de ces championnats, en raison de l’émulation que va provoquer l’arrivée au sommet de ces deux jeunes femmes, ce qui devrait permettre à la France d’être extraordinairement bien armée dans la discipline du marteau aux J.O. de 2016 et 2020.

Cela étant, les deux autres médaillés de ces championnats, Aurélie Chaboudez (argent sur 400 m haies) et Wilhem Belocian (bronze sur 110 m haies), semblent aussi avoir un avenir brillant sur des distances où les Français ont toujours eu une belle réussite. Les haies, les Français connaissent, parce qu’entre le 110 m haies et le 400m haies, notre athlétisme a a eu la chance d’avoir nombre de grands champions ayant rapporté beaucoup de médailles européennes, mondiales et olympiques. Pour mémoire il faut se rappeler de Duriez (110 m haies), Poirier (400m haies), Nallet (400m haies), Chantal Réga (400 m haies), Michelle Chardonnet (100 m haies), Stéphane Caristan (110m haies), Monique Ewanjé-Epée (100 m haies), Patricia Girard (100m haies), Naman Keita (400m haies), Garfield Darien (110 m haies),et les trois plus glorieux de nos représentants sur ces distances, Guy Drut qui fut champion d’Europe en 1974, recordman du monde en 1975 et champion olympique du 110 haies en 1976, Stéphane Diagana, champion du monde du 400m haies en 1997, champion d’Europe en 2002 et toujours recordman d’Europe depuis 1995, et Ladji Doucouré, champion du monde du 110 m haies en 2005.

Fermons la parenthèse pour voir ce que sont devenus les autres médaillés d’or dans les championnats du monde juniors. Et bien globalement ils ont eu une belle carrière, parfois même une très belle carrière. Le premier d’entre eux fut Jean Galfione, notre emblématique champion olympique du saut à la perche. Il remporta le titre de champion du monde junior en 1990, avant de devenir champion olympique en 1996 à Atlanta, point d’orgue d’une carrière exemplaire dans laquelle il ne lui aura manqué que le titre européen, terminant « seulement » troisième des championnats d’Europe en 1994 et 1998, avant d’obtenir la même place au championnats du monde en plein air en 1995. Si je dis qu’il lui manque un titre européen, c’est parce qu’il a été champion du monde en salle  en mars 1999 avec un record à 6 m. A ce propos, je pense que nous sommes nombreux à nous rappeler la vision de cette barre à 6 m, sur le sautoir de Maebashi (Japon), qui n’en finissait pas de trembler, mais qui est resté finalement sur ses plots. Mais c’est quand même sa victoire à Atlanta en 1996 aux J.O. qui a le plus marqué la carrière de Jean Galfione, à l’issue d’un concours qui dura quatre heures et demie et où son intelligence fit merveille…après avoir quand même passé 5.86m puis 5.92 m au premier essai.

En 1996, ce fut une femme qui remporta la médaille d’or chez les juniors, Sylviane Félix sur 200m. Certes, elle n’a pas eu la carrière qu’on aurait pu imaginer, mais elle a participé à la meilleure époque du relais 4x100m féminin français, en remportant la médaille d’or aux championnats du monde 2003 avec Patricia Girard, Muriel Hurtis et Christine Arron, mais aussi deux titres de championne d’Europe (1998 et 2002),  et une médaille de bronze olympique en 2004. En revanche sa partenaire du relais de 2003, Muriel Hurtis aura une carrière beaucoup plus riche en individuelle, après un titre mondial junior sur 200 m en 1998. Muriel Hurtis sera même une des grandes figures de l’athlétisme français, avec un titre de championne du monde et d’Europe en salle sur 200m, un titre de championne d’Europe en plein air sur 200m, et une médaille de bronze sur 200m aux championnats du monde à Paris, sans parler de ses médailles en relais (huit en tout).

Un peu plus tard ce sera au tour de Benjamin Campaoré de devenir champion du monde junior du triple saut (en 2006), mais jusqu’à présent il n’a pas confirmé tout le potentiel qu’il avait laissé entrevoir lors de son titre mondial en junior, se contentant d’une place de cinquième aux championnats d’Europe 2010 à Barcelone. Un autre triple sauteur français lui succèdera en 2008 sur la plus haute marche du podium mondial, Teddy Thamgo qui, à 23 ans, a un palmarès déjà extrêmement fourni avec ses titres en salle de champion du monde en 2010, assorti d’un record du monde (17m90), et de champion d’Europe en 2011 où il battit de nouveau le record du monde (17.92m). En revanche,  il a moins bien réussi en plein air, malgré sa médaille de bronze européenne en 2010. Cette année 2012 sera hélas à marquer d’une pierre noire pour Thamgo, puisqu’une fracture de la cheville contractée en septembre de l’an passé l’empêchera de participer aux Jeux Olympiques, sans parler d’ennuis extra sportifs dont on espère pour lui qu’ils ne lui auront pas causé trop de torts en termes d’image (voir mon article sur lui sur ce site).

Un autre athlète français s’emparera d’un titre mondial junior en 2008, et lui a déjà largement confirmé un talent que tout le monde a toujours jugé exceptionnel. Il s’agit bien sûr de Christophe Lemaitre, déjà quadruple champion d’Europe sur 100, 200 et 4x100m, et médaillé de bronze aux championnats du monde 2011 sur 200m. Sur lui aussi, j’ai déjà écrit un article sur ce site, mais les choses vont tellement vite pour lui qu’il va falloir le mettre à jour. Christophe Lemaitre est tout simplement l’un des plus grands talents du sprint mondial de ces dernières années, et un des plus grands sprinters européens de l’histoire. Jusqu’où ira-t-il ? Peut-être vers un titre olympique sur 200 m en 2016, et sans doute déjà vers une médaille aux prochains J.O. de Londres sur cette même distance. En fait, aujourd’hui, seuls Bolt et Blake lui paraissent supérieurs sur le demi tour de piste, et je ne serais pas étonné qu’il nous « sorte » un 19s60 en finale du 200m aux J.O., d’autant qu’il ne courra sans doute pas le 100m.

Evidemment j’évoquerais moins longuement les deux champions du monde juniors de 2010, à savoir Pascal Martinot-Lagarde (110 m haies en 2010) et Kevin Mayer (décathlon en 2010). Cela dit, Pascal Martinot-Lagarde s’est déjà signalé à l’attention de tous les observateurs en ayant obtenu cet hiver à Istambul, une médaille de bronze aux championnats du monde en salle sur 60m haies (7s53), en terminant à neuf centièmes de l’Américain Aries Merritt et à quatre centièmes de Liu Xiang, qui devraient s’emparer des deux premières places à Londres sur 110m haies. Dommage qu’une blessure à la jambe droite ait perturbé sa préparation pour les J.O., car on aurait été curieux de le voir à ce niveau. Nul doute qu’il s’agit d’un de nos plus grands espoirs pour les Jeux de Rio en 2016. Et je crois que Kevin Mayer peut-être rangé lui aussi parmi nos meilleurs espoirs pour l’avenir. Il suffit pour cela de regarder ses performances depuis son titre mondial en junior, où il avait réalisé au décathlon 7928 points. L’année suivante il deviendra champion d’Europe junior avec 8124 points,  et cette année il en est à 8415 points, performance réalisée le 1er juillet lui permettant de concourir aux prochains Jeux Olympiques. Gageons qu’il sera lui aussi un des favoris à Rio, dans quatre ans.

En résumé, en examinant les résultats obtenus après leur titre mondial en junior, on s’aperçoit que presque tous ces athlètes sont devenus des vedettes de l’athlétisme français et même mondial. Seuls Benjamin Campaoré et à un degré moindre Sylviane Félix n’ont pas vraiment confirmé au plus haut niveau. C’est pour cela que nous avons tellement d’espoir pour ceux qui ont été titrés en 2010 et cette année, et même pour ceux qui ont eu des médailles. N’oublions pas que Ladji Doucouré fut médaillé de bronze des championnats du monde junior en 2000 sur 110m haies, et quand on voit la carrière qu’il a faite cela ne peut que nous rendre optimiste. Je pourrais aussi citer Jimmy Vicaut, médaillé de bronze des mondiaux juniors en 2010, et qui a déjà été finaliste sur 100m des championnats du monde en 2011 et médaille d’argent sur 100m, tout près de Christophe Lemaitre, lors des championnats d’Europe ayant eu lieu fin juin à Helsinki, sans parler de son titre européen sur 4x100m en 2010. Oui, tout cela est très rassurant, et nous promet de belles médailles, surtout à l’horizon 2016 !

Michel Escatafal