Et ça continue encore et encore…un match ?

XV de FranceVoilà, nous venons d’avoir la composition de l’équipe qui va devoir faire en sorte que nous sortions de la Coupe du Monde avec un minimum de dignité, ou, si l’on est optimiste, pour réussir les mêmes exploits que les équipes de 1999 et 2007, à savoir battre les Néo-Zélandais. Tout d’abord disons que l’on ne change pas grand-chose finalement par rapport à l’équipe qui a fait faillite contre l’Irlande, pour la bonne raison qu’il faut faire avec les joueurs que l’on a emmené en Angleterre. On ne pouvait guère changer 7 ou 8 joueurs comme on peut le faire dans le Tournoi des 6 Nations. Donc on va jouer sur la fierté, sur l’impossible exploit, étant entendu « qu’impossible n’est pas français », comme l’aurait dit Napoléon, lequel a pu s’apercevoir qu’on ne peut pas gagner, même si l’on est dirigé par un génie, lui-même aidé par de grands soldats, si tous les ingrédients pour la victoire ne sont pas rassemblés.

Or, justement celui qui dirige la manœuvre de cette équipe de France n’a rien d’un génial sélectionneur, pas plus que ses lieutenants. Et pourtant tous furent de grands soldats du XV de France à des époques différentes, à commencer par le sélectionneur qui, ne l’oublions pas, marqua un des essais du dernier siécle en 1991 (contre l’Angleterre à Twickenham), son acolyte, Lagisquet, participant activement à un autre des plus merveilleux essais construits par le XV de France dans sa longue histoire, en demi-finale de la Coupe du Monde 1987. Si je fais ce rappel historique, c’est d’abord pour montrer que, malheureusement, ces deux XV de France que j’ai évoqués à travers ces essais d’un autre monde, avaient dans leurs rangs des joueurs infiniment meilleurs que ceux dont dispose de nos jours le rugby français.

A cette époque, il n’y avait dans le XV de France pratiquement que des joueurs figurant parmi les meilleurs du monde, notamment dans les lignes arrières. Qu’on en juge : cinq figuraient déjà dans l’équipe vainqueur de l’Australie en demi-finale de la Coupe du Monde 1987, et ils s’appelaient Blanco, Sella, Mesnel, Didier Camberabero et Berbizier. Ensuite, les départs de Lagisquet et Charvet furent compensés par l’arrivée de Lafond et…Saint-André, qui récupéra lors de ce fameux Angleterre-France de 1991 un merveilleux coup de pied de recentrage de Didier Camberabero, ce qui ponctuait une relance de la ligne de but ou presque initiée par Blanco, lui-même aujourd’hui dans le staff de l’équipe de France. Tout cela pour dire que je n’aurai pas la cruauté de comparer les joueurs poste pour poste tellement il y a une différence de classe entre eux. Aucun joueur des lignes arrières de l’actuel XV de France n’aurait sa place dans les équipes dont je viens de parler, pas même le plus doué de tous en classe intrinsèque, Michalak, en raison de ses 33 ans. Je vais être méchant, mais qui oserait comparer Spedding à Blanco, ou pire Sella à Dumoulin ou encore plus pire si c’est possible, Parra à Berbizier. N’en jetons plus !

Et dire que c’est beaucoup sur les quatre joueurs que je viens de citer que Saint-André, ailier très supérieur en son temps à Nakaitaci ou Dulin, mise pour redonner des couleurs à l’attaque française. On comprend aisément que ceux qui connaissent un minimum le rugby, pour avoir eu un ballon dans les mains pendant quelques années, se demandent à quelle sauce notre équipe va être mangée. Je précise au passage que si je n’ai parlé que des lignes arrières, c’est parce que notre pack, s’il a récupéré de ses efforts contre l’Irlande, peut peut-être surprendre celui des All Blacks, en tout cas ne pas être outrageusement dominé. Et si c’était le cas, qui sait ce qui peut se passer, d’autant qu’un match de rugby reste un match à jouer et à gagner ?

Cela dit, reconnaissons que Saint-André aurait pu jouer son va-tout d’une autre manière en faisant rentrer des joueurs frais, mais cet homme ne veut jamais prendre le moindre risque. En écrivant cela je veux souligner le manque de logique du sélectionneur, qui n’a pas l’air de réaliser que les Néo-Zélandais sont quand même plus forts que les Irlandais. Dans ce cas, pour gagner ce match, il fallait peut-être introduire un peu de folie, et ne pas hésiter à lancer d’entrée Grosso à l’aile, Kockott à la mêlée ou Nyanga en troisième ligne. A ce propos on peut se demander pourquoi on a fait venir Grosso et ce même Kockott…pour ne pas les faire jouer. Et pourtant le match contre l’Irlande, premier match vraiment dur pour le XV de France dans cette Coupe du Monde, nous avait démontré que  Tillous-Bordes n’était pas un grand demi de mêlée, et que celui qui l’a remplacé, Parra, avait été fantomatique. Et ce n’est pas le remplacement de Bastareaud par Dumoulin qui va nous rassurer. En fait, le seul changement intéressant se situe devant, avec l’arrivée dans le XV de départ de Le Roux en troisième ligne. Au moins avec lui, comme cela aurait été le cas avec Kockott, on aura un joueur qui n’a peur de rien ni personne. La preuve, il veut « défoncer »Mac Caw. Certes ce n’est pas comme si c’était fait, mais au moins on a un guerrier dans cette équipe.

Néanmoins ces propos belliqueux, dans le bon sens du terme, ne nous empêchent pas d’être très inquiet sur le résultat, car il va falloir défendre pendant 80 minutes face à des All Blacks qui, soyons-en sûrs, vont attaquer ce match à fond, ce qui va exiger de nos joueurs une énorme dépense physique…qui pourrait nous coûter cher en fin de match, comme ce fut le cas contre les Irlandais. En outre, cette fois les Blacks ne commettront pas l’erreur de sous-estimer les Français, parce que ceux-ci ont la réputation de n’être jamais aussi dangereux que lorsqu’on ne les attend pas. Il n’empêche, même si l’on fait preuve d’un optimisme forcené, même si ceux qui croient au ciel vont faire brûler des cierges, on ne voit pas comment cette équipe pourrait battre les Néo-Zélandais.

Toutefois c’est ce que nous disions et écrivions il y a quatre ans, et la France perdit d’un point (8-7) une finale de Coupe du Monde qu’elle n’aurait jamais dû perdre…face à ces mêmes Néo-Zélandais, lesquels furent avantagés par des décisions arbitrales souvent très contestables. Ah cette fin de match haletante, avec un Trinh-Duc ébourrifant, qui avait remplacé Parra blessé par un coup de genou de Mac Caw! Au fait, il est où Trinh Duc ? A Montpellier, tandis que Parra est toujours là, même s’il a réussi l’exploit samedi dernier d’être encore plus nul que Tillous-Bordes quand il est rentré, peu après la mi-temps. On peut d’ailleurs se demander pourquoi Saint-André, qui a toujours privilégié la densité physique, n’a pas utilisé davantage Kockott ? J’arrête là, car certains vont trouver que je fais une fixation sur Parra. Ils ont tort si c’est le cas, parce que je souhaite de tout cœur la victoire du XV de France, et je maintiens que Kockott et même Machenaud sont meilleurs joueurs que Parra, et en plus eux aussi savent buter.

Michel Escatafal


Nos rugbymen pourraient devenir des héros en 2015, y compris ceux qui sont nés à l’étranger

K et SAvant de parler rugby, je voudrais souligner une fois encore combien le monde du sport est plein de contradictions. Si j’écris cela c’est parce que je viens de lire sur différents sites que si Angel Di Maria n’a pas signé cet été au Paris Saint-Germain, c’est tout simplement parce qu’il lui était interdit de recruter un autre joueur après l’achat de David Luiz. C’est donc bien ce fameux et ridicule fair-play financier qui a empêché le PSG de se renforcer comme il l’aurait souhaité, pendant que le Real Madrid, le FC Barcelone ou plus encore Manchester United dépensaient des sommes folles pour se renforcer…malgré un niveau de dettes considérable, alors que le PSG n’en a pas. Et après certains nous expliqueront que le fair-play financier est une bonne chose, ce qui est vrai…pour empêcher les clubs ayant des actionnaires richissimes de concurrencer les clubs historiques, lesquels ne veulent pas partager le gâteau qui est le leur depuis des décennies. Il sera amusant de voir le résultat de la plainte formulée par certaines associations auprès du tribunal de première instance de Bruxelles, dont on ne voit pas comment il pourrait entériner ce fair-play financier tel qu’il est. Après tout, comment empêcher des gens qui ont de l’argent de l’investir dans le football…comme d’autres l’ont fait quelques années auparavant ? Ce serait d’autant plus curieux qu’en Europe on ne parle que de concurrence en matière économique. Pourquoi ce qui est valable partout, y compris pour le rail, l’eau ou l’énergie, ne le serait pas pour le football ?

Fermons cette introduction sur l’économie du sport pour parler à présent de rugby, ce que je n’avais pas fait depuis un certain temps. Il est vrai que depuis plusieurs années notre équipe de France n’avait pas de quoi enthousiasmer les foules tant au niveau des résultats que de la manière dont elle s’y prenait pour essayer de gagner ses matches, ce qui n’arrivait que très rarement face aux grandes nations du rugby. Or hier soir le XV de France a battu un des ténors du rugby mondial, deux fois vainqueur de la Coupe du Monde (1991 et 1999) et finaliste en 2003. Cette performance est d’autant plus méritoire que les joueurs français ont non seulement gagné, mais aussi réussi des actions offensives auxquelles nous n’étions plus habitués, ce qui a cloué le bec de ceux qui prétendaient que la victoire contre les Fidji (40-15) ne signifie rien, alors que les Fidjiens ont superbement résisté aux Gallois samedi après-midi (13-17). Une victoire aussi qui n’est pas dû à l’arbitrage « maison » de Monsieur Owens, lequel, malgré un match globalement correct, a fait preuve d’une certaine mansuétude vis-à-vis des Australiens, notamment sur certains placages litigieux, alors qu’il n’a pas hésité à sortir un carton jaune pour Talès, au demeurant mérité si l’on applique le règlement avec toute sa rigueur, alors que ce dernier venait à peine de rentrer en jeu.

Mais me direz-vous, comment le staff de l’équipe de France a-t-il pu rétablir aussi vite une situation que d’aucuns jugeaient désespérée il y a quelques jours, surtout en vue de la prochaine Coupe du Monde dans moins d’un an, après trois ans de tâtonnements ? Est-ce déjà l’effet Blanco, qui est venu apporter sa touche personnelle à notre équipe nationale, ce qui fait dire à certains que c’est lui le vrai sélectionneur du XV de France ? Peut-être, pourquoi pas ? En tout cas, on a l’impression que les joueurs français sont plus libérés qu’avant, et qu’ils n’ont plus peur de prendre certains risques comme ces dernières saisons, sans parler aussi de leurs progrès dans le domaine de la conquête. Autant de questions, auxquelles on aura la réponse dans le prochain Tournoi des 6 nations.

En revanche il semble certain que les sélectionneurs ont enfin trouvé les hommes qu’il fallait à certains postes, et notamment au niveau de la charnière. Il aura fallu en essayer une bonne quinzaine avant, enfin, d’en avoir une ou deux qui tiennent la route au niveau international. Certes là aussi il ne faut pas s’emballer trop vite, mais à la mêlée Tillous-Bordes et plus encore Kockott apportent ce qu’un Parra par exemple, malgré ses  plus de 50 sélections, n’a jamais pu amener au XV de France, notamment cette capacité à accélérer le jeu afin de mettre ses partenaires dans les meilleures conditions. Comme je l’ai écrit dans un article sur lui il y a presque deux ans (Parra est-il un grand demi de mêlée ? C’est surtout un remarquable buteur), le demi de mêlée clermontois est d’abord et avant tout un excellent buteur, mais cela ne suffit pas au niveau international, surtout face aux numéros 9 des grandes nations du rugby. En tout cas, en deux matches contre les Fidji et l’Australie, Tillous-Bordes et plus encore Kockott ont démontré des qualités que l’on n’a jamais connues chez Parra. Doté d’un très bon jeu au pied, Kockott est rapide, puissant, et en plus c’est un gagneur dans tous les sens du terme, un de ces demis de mêlée capable de galvaniser son paquet d’avants, surtout quand le jus commence à faire défaut. Avant-hier soir, par exemple, il a remarquablement géré la fin de match, à un moment où les Français à 14, avec Atonio blessé, étaient sur le point de craquer. En outre son pied n’a pas tremblé quand il s’agissait de passer, à plus de 40 m, la pénalité de « la gagne » à 8 minutes de la fin du match

Oui, je pense que le XV de France a peut-être trouvé ses deux charnières pour la Coupe du Monde avec Tillous-Bordes et Lopez et celle qui aurait ma préférence composée de Kockott et Trinh-Duc. Là on a l’impression que c’est du solide, avec en outre dans les deux cas un buteur aussi prolifique et régulier que Parra. Mais notre XV national a sans doute aussi retrouvé un pack qui avance, comme en témoignent ses prestations contre les Fidgi et surtout contre l’Australie. Contre les Wallabies, les Français ont été dominés au début du match en mêlée, mais ils ont vite rectifié le tir et ont fini par être dominateurs, sauf tout à fait en fin de match. Ils disposent aussi d’un alignement qui leur a permis de récupérer bon nombre de lancers en touche. Et surtout, à côté des valeurs sûres que sont Dusotoir, Papé, Maestri ou Guirado, il a su trouver des joueurs comme les Toulonnais Menini et Chiocci, sans oublier le surpuissant pilier Atonio et le troisième ligne sud-africain Le Roux, qui a fait un match énorme samedi soir. Tout ce joli monde pouvant être accompagné à la Coupe du Monde par Picamoles, Nyanga ou même Haridornoquy qui, à Toulouse, retrouve une nouvelle jeunesse. Et derrière il y a aussi du beau monde, avec les révélations de Thomas et  Dumoulin, mais aussi Lamerat, plus des joueurs confirmés comme Fofana, Fritz, Huget ou Bastareaud, sans oublier Dulin et Spedding, pour ne citer qu’eux.

Au fait, j’observe que j’ai beaucoup parlé de joueurs étrangers ou d’origine étrangère, attribut qui semble beaucoup gêner nombre de Français qui ne voient pas d’un bon œil l’arrivée de Kockott, Le Roux, Atonio, Spedding, ou encore Claessen, tous nés hors de notre pays. Ah les Français, ils ont quand même du mal avec les étrangers, même si leur nom se termine par a, i ou o, ce qui signifie qu’eux-mêmes sont nés de parents ou grands-parents issus de l’immigration, pour notre plus grand bonheur. Et oui, nombre de Français sont vraiment incorrigibles, alors qu’ailleurs ça ne choque pas grand-monde d’avoir dans son équipe nationale des joueurs étrangers, y compris en Nouvelle-Zélande alors que ce pays a une pépinière très riche en joueurs de talent. Certains s’en sont émus, mais les supporters des All Blacks se sont plutôt réjouis que l’on ait sélectionné le remarquable centre tongien Malakai Fekitoa.

Cela étant, rassurons-nous, car si d’aventure les Français remportaient la finale de la Coupe du Monde en 2015 grâce à un essai en dernière minute de Spedding, transformé par Kockott, les supporters du XV de France seraient les premiers à oublier que ni l’un ni l’autre ne sont nés à Mirande ou à Bayonne. En revanche, malheur à eux si la France était éliminée en demi-finale par la faute d’un coup de pied contré. Je vois d’ici les forumers s’insurger sur le fait  d’avoir sélectionné ces joueurs formés à l’étranger, au détriment de joueurs nés à Lavelanet ou Castelnaudary. Que tout cela est triste ! C’en serait même risible, si cela n’avait pas des relents de chauvinisme exacerbé. Heureusement mes parents ne m’ont pas élevé de cette manière, ce qui fait que mon rugbyman préféré s’appelle S.B. Williams suite à la retraite de Wilkinson, mon coureur cycliste préféré est Alberto Contador, mon pilote de Formule 1 favori est Kimi Raikkonen malgré son problème de train avant cette année sur sa Ferrari et pour le football c’est Pastore. Ah j’oubliais, même si je ne connais rien au basket, j’ai une énorme admiration pour Tony Parker, notre emblématique basketteur NBA, né à Bruges (Belgique), fils d’une mère néerlandaise, d’un père américain et marié à une française. En somme un vrai représentant d’une grande partie de la population de notre pays. J’espère qu’à Rio de Janeiro, aux J.O. 2016, ce sera notre porte-drapeau, car nul n’a davantage l’amour du maillot bleu frappé du coq que lui.

Michel Escatafal


Les Français n’aiment pas les joueurs géniaux…

michalakVoilà, il n’y a pas eu de miracle, l’équipe de France de rugby n’a pas pu battre celle d’Angleterre, ce qui est finalement assez logique, l’orgueil ne suffisant pas pour faire une grande équipe. Mais le plus étonnant réside dans les commentaires que nous pouvons lire de la part des journalistes et des forumers, notamment à propos des performances de la charnière Parra-Trinh-Duc. Celle-ci, en effet, semble poser un problème insoluble, parce que cela fait quatre ans bientôt qu’on a la même (ou presque) et qu’on se pose toujours la question de savoir si c’est la bonne ou pas. D’ailleurs, le seul fait de se poser la question depuis si longtemps est significatif de quelque chose qui cloche, mais apparemment les sélectionneurs ne sont pas de cet avis. Philippe Saint-André, et nombre d’entre nous, croyaient en avoir trouvé une autre (Machenaud-Michalak) à l’occasion de la tournée en Argentine l’an passé et lors des tests de novembre, mais aujourd’hui plus grand-monde ne semble lui faire confiance…sans qu’elle ait vraiment démérité.

En évoquant les tests de novembre, je voudrais dire d’abord qu’ils auront été de la poudre aux yeux quant à la valeur réelle de l’équipe de France, version Saint-André. Si j’écris cela, c’est parce qu’on a considéré nos victoires sur l’Australie ou l’Argentine comme de très grandes performances, alors que ce n’était pas vraiment le cas. Cependant ces victoires ont été remportées aussi, parce que nos joueurs disposaient encore d’une certaine fraîcheur, qui aujourd’hui manque cruellement à nos internationaux. Cela signifie qu’avant de se pencher sur le cas des joueurs, il faut impérativement qu’on se penche sur le problème du calendrier, si l’on veut qu’un jour le XV de France remporte enfin la Coupe du Monde. Au passage, comme je ne cesse de l’écrire, la France est la seule grande nation de rugby à ne pas avoir gagné cette épreuve, malgré sa présence trois fois en finale (1987, 1999 et 2011).

Et puisque je parle de la Coupe du Monde, comme je l’écrivais dans un article précédent, nous avons déjà perdu deux ans pour former une équipe susceptible de la gagner en 2015. Deux ans à chercher des joueurs à certains postes, deux ans à improviser, alors que les Anglais ou les Gallois travaillent avec des joueurs qui ont déjà un vécu ensemble, tout en emmagasinant de l’expérience, ce qui fera de l’Angleterre et du Pays de Galles deux formations redoutables et redoutées en 2015, y compris pour les trois grosses équipes de l’hémisphère sud (Nouvelle- Zélande, Australie, Afrique du Sud). En revanche l’équipe de France en sera toujours à essayer des joueurs, quitte à ne pas les mettre à leur véritable poste, comme ce fut le cas de Fofana pour les deux premiers matches de ce Tournoi des 6 nations.

Fofana justement, qui a éclaboussé le match Angleterre-France de toute sa classe, et qui a marqué un essai fantastique. Il y avait bien longtemps que notre rugby n’avait pas trouvé une telle pépite dans ses clubs…ce qui ne peut que nous faire craindre pour lui, quand on pense à la manière dont nos sélectionneurs, quels qu’ils soient,  ont traité de tout temps nos purs talents, le dernier en date étant Michalak.  Cela étant, on a les sélectionneurs que l’on mérite, quand on voit la manière dont on critique le joueur toulonnais, parce qu’une de ses passes a été interceptée peu après son entrée en jeu hier après-midi. Pour un peu on croirait que c’est lui qui fait perdre le match à l’équipe de France, alors que notre équipe était déjà menée quand il est entré, qu’elle avait manqué deux occasions par Parra de meubler le score, et qu’elle commençait à prendre l’eau. Que je sache, même si notre pack a été performant en mêlée et en touche en première mi-temps, même si notre équipe semblait avoir plus de hargne que face aux Italiens ou aux Gallois, même si elle avait contrarié au prix d’énormes efforts en défense l’équipe anglaise, elle n’avait marqué qu’un essai, certes extraordinaire, mais qui était dû uniquement à la classe folle de Fofana, un essai qu’il n’aurait pas marqué, entre parenthèse, s’il avait été sélectionné à l’aile.

Tout cela pour dire que Michalak ne mérite pas les quolibets qu’il endure de la part de nombreux détracteurs qui sont dans la réaction sur une ou deux actions entreprises, plutôt que dans la réflexion. Cela dit, pour ce qui me concerne, je ne mange pas de ce pain, car pour moi Michalak est sans doute le seul attaquant  de cette équipe, avec Fofana, à soutenir la comparaison avec les plus grands. Michalak, c’est une sorte de Gachassin à l’époque où il opérait à l’ouverture (au milieu des années 60), c’est-à-dire un demi d’ouverture complet, parfait pour construire les attaques, de surcroît très bon défenseur, capable à tout moment de renverser le cours d’un match sur une inspiration de génie. En écrivant ces lignes, cela me fait penser à ce qu’a écrit un forumer sur le site d’un journal de sport, où il semblait indiquer que la paire Yachvilli-Parra, mise en place par Lièvremont pendant la Coupe du Monde en Nouvelle-Zélande, avait permis à l’équipe de France d’arriver jusqu’en finale. Comme si l’on pouvait comparer la classe de Michalak avec celle de Parra !

Michalak est un artiste qui a du rugby plein les mains, ce qui ne l’empêche pas d’avoir un jeu au pied correct et d’être excellent dans les tirs au but, et je pense qu’il peut être très complémentaire avec Machenaud, lui aussi très rugby…à condition de leur faire confiance. Pourquoi Saint-André a-t-il sorti Machenaud après à peine une heure de jeu contre l’Italie et 50 minutes contre le pays de Galles, alors qu’à chacune de ces rencontres il avait réussi une échappée qui aurait pu valoir un essai ? Parra n’a jamais eu, et n’aura jamais cette capacité à mettre le feu dans une défense adverse, par manque de vitesse. En outre, à chaque lancement, les trois ou quatre foulées que fait Parra avant de donner son ballon n’apportent rien, et surtout permettent aux défenseurs de disposer d’un supplément de temps pour s’organiser en défense. Bref, Parra est un très bon demi de mêlée, comme je l’ai indiqué dans un article précédent que je lui ai consacré, mais par rapport à un J.B. Elissalde, à qui certains veulent le comparer, il lui manque tout simplement la grande classe.

Voilà quelques réflexions personnelles sur le match d’hier, en regrettant que notre rugby et son équipe nationale vivent dans l’improvisation perpétuelle. En regrettant aussi que l’on offre à certains internationaux une confiance que l’on n’offre pas à d’autres, même si ce mal est récurrent chez nous depuis des dizaines et des dizaines d’années. Combien avons-nous usé de joueurs hors-normes qui auraient eu leur place partout ailleurs dans le monde ? Si Wilkinson, Carter, Kelleher ou Genia étaient né français, auraient-ils fait la même carrière en équipe de France que dans celle de leur pays ? Je n’en suis pas sûr du tout, parce que nous avons en France l’art et la manière de mettre une énorme pression sur nos joueurs les plus doués. Certains y survivent, comme Sella ou Jauzion, d’autres non. C’est pour cela que je suis inquiet à propos de Fofana, alors que s’il était néo-zélandais, il aurait sa place assurée pour dix ans chez les All Blacks.

Michel Escatafal